Il y a quelques temps, j’avais écrit un article mentionnant 10 règles essentielles pour être un bon professeur d’aïkido, d’un point de vue d’élève. Ce regard est purement subjectif et se base sur ma sensibilité personnelle mais également mon regard de coach professionnelle. Aujourd’hui, j’aimerais compléter cet article avec 7 nouveaux conseils pour devenir un bon professeur d’aïkido au quotidien. Au-delà de l’enseignement technique sur les tatamis, les compétences requises touchent la sphère du marketing, de l’éthique, mais également du management.
1- Valoriser ses élèves tout au long du cursus
Un bon professeur d’aïkido crée un lien privilégié avec ses élèves, qui peut se consolider d’année en année. Grâce à cette pratique régulière des élèves, le professeur donnera plus facilement sa confiance, et saura valoriser et responsabiliser ces derniers. Le professeur pourra ainsi “nommer” des sempais parmi ses anciens élèves pour encadrer et accompagner les nouveaux pratiquants, dans un environnement bienveillant.
Mais la responsabilisation des élèves ne se limite pas au périmètre du tatami : le professeur peut ainsi compter sur les élèves les plus engagés pour l’aider à construire une vie de club animée ou assurer des tâches administratives (au sein du bureau de l’association), ou en matière de communication (développement commercial).
Enfin, la valorisation des élèves ne passe pas seulement par les élèves les plus anciens. Il est important qu’un professeur d’aïkido puisse faire passer les nouveaux pratiquants “au milieu” pour les aider à améliorer leur pratique, en faisant abstraction des regards du groupe sur eux à un moment T. C’est d’ailleurs en faisant passer les débutants au milieu que le professeur valorise leur pratique au sein du groupe et favorise ainsi leur intégration.
2- Donner envie à ses élèves de pratiquer au quotidien
Pour qu’un professeur d’aïkido développe son club, il est important qu’il sache donner envie de pratiquer aux nouveaux arrivants. Cette transmission passe par plusieurs angles :
- sur le plan technique : des formes adaptable à tout type de gabarit ou de niveau. Si l’élève se trouve dans l’impossibilité de réaliser une technique car elle ne passe pas en raison de sa condition physique ou de son niveau, il lui sera difficile de croire en l’efficacité de l’aïkido. Il faut donc lui proposer des variations afin que chaque élève puisse faire quelque chose.
- sur le plan “social” : une vie de club attractive pour resserrer les liens entre adhérents. La pratique peut être prolongée par une vie sociale de club avec des événements réguliers (restaurant/pot, fête de club, stage hors du club…), qui favorise l’intégration des nouveaux adhérents et qui plus généralement crée des liens forts au-delà de la pratique. Car si nous ne venons pas sur les tatamis pour la vie sociale, on peut y rester pour cette ambiance qui nous permet de nous accrocher…surtout lorsqu’on est débutant !
- sur le plan pédagogique : il est important de valoriser les élèves sur le tatamis comme vu dans le point précédent. A Pantin, nous avons fait venir un photographe (l’un de nos élèves) pour capturer des clichés que les élèves ont pu fièrement ramener chez eux à l’occasion de la soirée de fin d’année du club !
3- Accepter les différents degrés d’implication des élèves, sans jugement
Tous les élèves ne s’inscrivent pas à l’aïkido pour les mêmes raisons : certains veulent passer rapidement des grades, d’autres cherchent à développer la confiance en eux, ou encore leur souplesse. En fonction de leurs objectifs et de leur emploi du temps, tous les élèves ne s’impliquent pas de la même manière.
Il est certes souhaitable, d’un point de vue théorique, qu’un élève s’engage à pratiquer de manière régulière et soutenue, mais ne prendre en compte que cette progression objective serait une erreur.
Il est donc important, d’une part, que le professeur fixe des caps avec ses élèves pour les aider à monter en compétence selon leurs objectifs de progression. Mais d’autre part, il est essentiel que l’enseignant prenne en considération les priorités globales de l’élève, et donc son niveau d’implication. Un élève dont le travail ou la vie de famille est très prenant ne peut être critiqué ou déprécié s’il a informé l’enseignant de ces contraintes. Les conseils de l’enseignant sur le tatami devront donc être adaptés et dosés en fonction du niveau d’implication de l’élève.
4- Etre un bon gérant de club et assurer la pérennité de son dojo
Un bon professeur développe des compétences qui dépassent le seul enseignement technique. Il est important qu’il soit un bon gérant de club pour assurer la pérennité de son dojo. Pour cela, il doit développer des compétences relationnelles et commerciales et peut se former sur ces points précis.
Pour assurer la pérennité d’un dojo, il est important que le club ne perde pas d’adhérents car moins d’adhérents, c’est moins de créneaux proposés par la mairie (dans le cadre d’un dojo municipal). Pour un dojo privé, c’est encore pire, car un club non rentable peut être contraint de fermer.
Recruter de nouveaux adhérents implique de mettre en place des actions de communication régulières (promotions commerciales pour les cotisations, communication sur la vie de club via les réseaux sociaux, site web moderne et mis à jour). Dans son interview, Arthur Frattini explique comment il a obtenu plus de créneau pour développer son club, et comment il a recruté plus d’adhérents, malgré le contexte difficile de la crise sanitaire.
Ces actions commerciales peuvent également mobiliser des compétences relationnelles pour faire du porte à porte, ou encore décrocher son téléphone ou solliciter un rendez-vous pour obtenir de nouveaux créneaux en mairie, ou intervenir en tant qu’enseignant à l’occasion d’un stage dans un autre club (et ainsi faire la promotion de son dojo).
Ces actions de communication peuvent également être stratégiques et mobiliser des intervenants externes au club. Cette stratégie est similaire à ce qu’on peut mettre en place dans le marketing où on développe sa visibilité en “surfant” sur une audience plus grosse que la sienne (grâce à des interviews d’experts, ou des publications dans des médias influents par exemple).
Des “petits” clubs comme celui d’Ivry-la-Bataille sont très forts dans cette stratégie : le club a déjà invité des pointures de l’aïkido comme Marc Bachraty, Fabrice Croizé ou encore Hélène Doué à l’occasion de stages privés. Le Club de Coupvray invite également des techniciens hauts gradés comme Pascal Guillemin à l’occasion d’un stage privé.
Le club de Pantin met également en place une stratégie similaire en programmant plusieurs interventions de professionnels de l’aïkido tout au long de l’année.
Bien sûr, cette stratégie implique un investissement initial (il faut payer le technicien) mais ce dernier sera vite rentabilisé, et surtout, permettra de renforcer l’attractivité du club dans une perspective de moyen terme.
5- Faire de la veille technique et pédagogique
Pour maintenir son niveau technique et mettre à jour ses compétences pédagogiques, un bon professeur d’aïkido se doit de faire de la veille régulièrement. Faire de la veille implique plusieurs actions concrètes :
- Se former ( pour passer un grade, pour évaluer ses élèves, pour proposer une nouvelle pédagogie…)
- Pratiquer à l’occasion de stages mais aussi dans le cadre d’une pratique régulière. Cette pratique permet de maintenir un bon niveau de pratique mais également de monter en compétences. C’est pourquoi il est important pour un bon professeur d’aïkido d’être inscrit dans un autre club en parallèle des heures de cours qu’il dispense dans son club. S’il manque de temps, il peut proposer à un autre enseignant de son club (parmi ses élèves) d’assurer un cours de temps à autre pour pratiquer …avec ses élèves !
- Consulter des contenus (vidéos Youtube, ouvrages techniques ou pédagogiques) pour s’imprégner de nouvelles pratiques, nouveau lexique et découvrir ce qui se fait ailleurs
- Produire des contenus : pour faire état de sa réflexion sur le développement de l’aikido par exemple ou offrir des contenus pédagogiques. C’est le cas de Léo Tamaki qui tient un blog personnel régulièrement mis à jour, ou encore Greg Habert qui produit des vidéos pédagogiques pour décomposer des techniques.
La connaissance est une source qui se tarie, il est donc essentiel de l’abreuver régulièrement.
6- Éviter la dérive de la “gourouisation “ du professeur d’aikido
La gourouisation est une dérive facile lorsqu’on est professeur d’aïkido. Sous couvert des valeurs traditionnelles que prône l’aïkido (respect de l’étiquette, discipline etc), les élèves peuvent facilement vouer un culte à leur enseignant ou “sensei”. Mais un professeur d’aïkido n’a pas vocation à être un maître. Il peut faire le choix de se positionner en tant que tel, ou laisser ses élèves l’ériger en maître, mais les dérives peuvent vite venir si l’enseignant ne met pas un cadre à cette “coutume”.
Alors comment l’enseignant peut-il dire non à la gourouisation ?
- Il peut refuser l’appellation “sensei”
- Il peut refuser d’avoir un vestiaire particulier
- Il peut casser la distance avec ses élèves et être présent pour eux en dehors des tatamis (évènement de club par exemple) en étant lui-même
- Il peut intervenir lorsque des élèves imposent cette gourouisation à d’autres
Le respect et la sacralisation d’une personne sont deux choses différentes. Un bon professeur d’aïkido doit certes être respecté en tant que personne, mais il reste un être humain. Et tout être humain peut céder à la tentation. Vigilance donc.
7- Transmettre à ses élèves l’envie de devenir un (bon) professeur d’aïkido
Un professeur d’aïkido n’est pas éternel. Un club peut plus facilement le devenir. En tant qu’enseignant, il est important de former ses élèves à devenir de bons professeurs d’aïkido.
La transmission de l’enseignant a un triple objectif : assurer la continuité de l’enseignement au sein du dojo, développer une équipe pédagogique au sein du club, et/ou inviter les élèves à créer leur propre structure.
Certes, l’enseignement n’est pas la vocation de tous, mais encourager les élèves les plus motivés est un devoir !
Lorsqu’un professeur d’aïkido détecte chez ses élèves une fibre pédagogique ou une volonté d’enseigner, il est essentiel de les encourager à passer leurs diplômes d’enseignements, mais surtout d’ouvrir leur propre club !
Beaucoup de pratiquants ont aujourd’hui un diplôme qu’ils n’utilisent pas pour créer leur propre structure car ils ne possèdent pas toujours les compétences pour développer un club.
Comme nous l’avons vu dans le point 4, la transmission des compétences commerciales du professeur d’aïkido va permettre à ses élèves de créer une structure, de la développer et peut-être même d’en vivre !
Ce résultat est peut-être la plus belle réalisation d’un bon professeur d’aïkido !
Conclusion
Devenir un bon professeur d’aïkido n’est pas chose facile. Ce travail implique de mobiliser des compétences clés qui dépassent le simple enseignement technique. L’enseignant doit ainsi maîtriser des qualités relationnelles et assurer la passion de la transmission. J’achève donc ce deuxième volet de conseils personnels pour devenir un bon professeur, selon mes critères personnels. Mon souhait est aujourd’hui, de voir de nouveaux clubs et enseignants émerger et prendre en compte la complexité de cette mission, pour d’abord assurer la survie et ensuite le développement de l’aïkido, pour un nouveau départ !
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