L’apprentissage de l’aikido mobilise notre intellect mais également nos sensations corporelles. Notre rapport au corps, notre rapport à l’autre, tout comme l’usage de nos sens nous permet d’intégrer des postures, et franchir des étapes pour notre progression. Voici quelques réflexions sur l’usage des sens, et la place du sens dans notre expérience de l’aikido.

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Cet article est une combinaison de plusieurs publications thématiques.

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“On écrit avec son corps “

Il y a quelques jours, j’ai échangé avec Stéphane Blanchet, 5e dan et enseignant à Aikikai Pereire. La conversation portait sur les aikidokas qui partagent une réflexion écrite sur l’aikido (dont je fais partie).
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Lorsqu’il écoute ou lit un aikidoka qui s’exprime, Stéphane lui demande d’abord sa taille et son poids. Pour lui, ces deux paramètres influencent sa pratique, son ressenti et par conséquent, son expérience.
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Et pour cause, un petit gabarit qui a vécu des traumatismes ou des peurs n’écrira pas de la même manière qu’un grand gabarit plus affirmé.
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Pour aller plus loin, je dirai même que la pratique d’un enseignant est influencée par sa composition corporelle. Si l’aikido doit être accessible à tous, et que la nomenclature doit être la même au sein d’une fédération, les styles de pratique changent en fonction des enseignants.
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Et d’ailleurs, plus l’aikidoka monte en niveau, plus il s’approprie les techniques en fonction de ses propres aptitudes physiques.
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L’expérience de l’aikido est donc purement subjective, et par conséquent la production de réflexion écrite l’est tout autant.
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Pour autant, doit-on attendre d’avoir toute une vie de pratique, et des grades par milliers pour pouvoir s’exprimer ?
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Je ne le crois pas.
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Car il est difficile de démocratiser une pratique si seuls certains privilégiés peuvent s’exprimer. En effet, la richesse d’une réflexion vient de la pluralité des profils qui l’initient. Et le renouvellement de la discipline passe par une réflexion plurielle.
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C’est pourquoi Aikido Millennials continuera de s’exprimer, malgré sa jeune existence (2020), et malgré la jeune expérience des tatamis de sa fondatrice (depuis 2017), et de son petit gabarit (1m55 et de 47kg).
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👉Et vous, vous exprimez-vous sur la discipline ?
Par quel moyen ?

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Et si on arrêtait de dénigrer la mémoire auditive dans l’apprentissage de l’aikido ?

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Il y a quelques jours, j’échangeais avec une aikidokate à l’occasion d’une formation fédérale. Cette pratiquante m’a confiée qu’il lui était plus facile d’apprendre l’aikido en mobilisant sa mémoire auditive. Et pour cause, ses problèmes de vue la contraignaient pour un apprentissage basé sur une simple observation visuelle des techniques.

J’ai bien sûr conscience que l’apprentissage ne mobilisant qu’un seul type de mémoire relève des neuromythes (nous ne sommes pas uniquement “visuel”, “kinesthésique” ou “auditif”) et que l’enseignement n’est pas uniquement basé sur l’observation d’un enseignant réalisant une technique.

Toutefois, nous pouvons avoir conscience de notre facilité à mobiliser un type de mémoire en particulier.

Pour revenir à notre pratiquante, je me suis reconnue dans sa facilité à mobiliser sa mémoire auditive.

Et oui, quand on voit mal, il est difficile :
✅ De se repérer dans l’espace
✅ De reproduire une technique qui nous est montrée en miroir
✅ De comprendre une technique si on se contente de nous la montrer et remontrer (même 100 fois)
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Alors quand j’entends qu’il faudrait idéalement se taire et se contenter d’observer un enseignant silencieux pour apprendre,
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Quand j’entends qu’il faut répéter le même geste des centaines de fois (sans être corrigé) pour y arriver.
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…j’ai les poils qui se hérissent.
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Heureusement, la pédagogie française est faite de mots (les consignes) et d’une adaptation des consignes au public présent (pédagogie différenciée) facilitant la compréhension de l’aikido.
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Le suivi de la formation au Brevet Fédéral (BF) me l’a bien rappelé.
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Rappelons d’ailleurs que l’animation de groupe est un critère d’évaluation pris en compte dans les formations d’enseignants en aikido (BF, CQP).
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A titre personnel, j’apprécie les enseignants “qui parlent”, et rendent leurs explications intelligibles, tout en faisant ressortir une part de leur personnalité à travers leur animation.
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Le meilleur technicien n’est pas le meilleur enseignant (et inversement).

La mémoire auditive occupe une place importante dans les formations d’enseignement de l’aikido. Dans la pratique, chaque enseignant choisit de lui donner la place qui lui semble adaptée.

Pour trouver chaussure à notre pied, c’est à nous pratiquants, de tendre l’oreille !

Bonne réflexion,
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Pourquoi certaines pratiques d’aikido sont-elles plus “éprouvantes” ? 

Lorsque je suis allée au Japon, en avril 2023, j’ai eu la chance de pratiquer l’aikido à l’Aikikai. J’ai très vite été déboussolée et surtout, épuisée.
Plus récemment, j’ai eu l’occasion de pratiquer en France, dans un dojo où j’ai retrouvé cet épuisement physique.
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Je suis pourtant sportive, et pratique l’aikido depuis quelques années maintenant.
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Mais alors pourquoi certaines pratiques d’aikido sont-elles plus éprouvantes ?
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1/ Il existe différentes sortes de cardio.

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 Je pratique la course à pied depuis 2007. Aujourd’hui, je fais du HIIT (High Intensity Interval Training) et n’hésite pas à monter en intensité cardiaque.
Pourtant, lorsque j’ai pratiqué à l’aikikai, j’étais épuisée.
Pourquoi ? Parce que travailler son cardio seul et de manière régulière n’est pas du tout la même chose que travailler un cardio à deux. En aikido, lorsque notre partenaire nous oppose une résistance avec son poids, notre effort physique monte en intensité. Le ryrhme devient alors soutenu, et nous devons gérer un partenaire imprévisible, irrégulier et cela épuise le corps.
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2/ Une pratique continue

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Lorsque la pratique est seulement interrompue par de brèves interventions de l’enseignant, le corps reste mobilisé en continue. La pratique peut certes descendre en intensité mais sans réelle pause, la fatigue physique s’installe. De même pour la fatigue mentale, car, à l’instar de tout art martial, l’aikido implique une vigilance continue chez le pratiquant.
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3/ Un autre style qui déboussole

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L’aikido est pluriel. Lorsqu’on est habitué à un enseignement, il est difficile de se déconditionner. Pratiquer avec des partenaires qui ne réagissent pas comme à notre habitude, chuter différemment, revoir notre manière de réaliser une technique sont d’autant d’efforts à réaliser que notre conditionnement est fort.
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Désapprendre est un effort intellectuel.
Désapprendre en mettant notre corps dans l’inconfort, est épuisant.
Désapprendre lorsqu’on est encore en phase de formation est éprouvant.
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Conclusion : et si on questionnait le sens dans la forme de notre pratique ? 

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Depuis que je pratique l’Aikido, je me suis posé de nombreuses questions sur le sens de la pratique.
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Parmi ces questionnements, beaucoup soulèvent la forme de notre pratique.
Voici donc les quelques questions dont la réponse m’interroge toujours :
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– Quel sens donner aux mouvements circulaires et formes Ura dans notre pratique actuelle ?
– Pourquoi chuter de manière consensuelle quand on peut résister ?
– Pourquoi chuter enlevé sur un tatami quand on s’esquinterait sur un sol dur ?
– Pourquoi planter son épaule au sol pour recevoir une immobilisation ?
– Pourquoi Ushiro Waza (et surtout pourquoi  Ushiro Hiji dori ?)
– Pourquoi fléchir notre jambe lorsqu’on est immobilisé au sol ?
– Pourquoi réaliser une pratique chorégraphique et codifiée des armes ?
– Comment demander aux pratiquants de mettre de la densité en relâchant leurs muscles ?
– Comment d’ailleurs développer une dextérité martiale en relâchant ses bras, en descendant sur ses appuis tout en se déplaçant et en maniant une arme de 550 grammes ?
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Mes questionnements sont sûrement naïfs et je pourrais certainement creuser pour trouver des réponses formelles à mes interrogations.
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Car je me doute, les réponses sont probablement historiques. Mais attention toutefois à ne pas enseigner du Latin en le vendant comme du Français. En 2023, le Latin est une clé pour comprendre l’éthymologie de notre langue, mais certainement pas une langue de communication. Il en est de même pour l’aikido qui doit rester une pratique actuelle selon moi. Après tout, il s’agit d’un art martial moderne.
C’est pourquoi, il ne serait pas aberrant que la discipline connaisse des évolutions. Elle en a d’ailleurs connu, au vu du nombre de courants existants aujourd’hui.
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Aussi, il est important de donner du sens à notre pratique au quotidien, sinon comment transmettre la pratique de l’aikido auprès d’un public de néophytes ?
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