L’aikido, est un art martial non compétitif dont la progression est individuelle. Pourtant, si la progression peut être personnelle, on assiste à une dynamique collective invitant les élèves à suivre une voie : en participant à des stages, en se professionnalisant, en passant des grades et des diplômes. Dans ce contexte, l’enjeu est, pour un pratiquant de trouver le bon équilibre entre aspiration personnelle et dynamique de groupe. Et ce sont des pistes de réflexion que j’apporte dans ce nouvel article.

Aikido : une voie personnelle qui ne devrait pas subir d’injonctions

Depuis que j’écris des articles pour Aikido-millennials, je lis de nombreux commentaires illustrant une vision rigide de l’aikido et de sa pratique.
.
💢 En affirmant ce que devrait être l’aikido, ou ce qu’il ne devrait pas être.
💢 En soulignant ce que l’on devrait rechercher dans la pratique de l’aikido.
💢 En déclarant ce qui est important et ce qui ne l’est pas
💢 En invitant à suivre un chemin long quand la voie peut-être plus courte
💢 En construisant une vision figée du rapport à la discipline
.
Or, nous ne nous sommes pas tous inscrits à l’aikido pour les mêmes raisons. Nous ne trouvons pas le plaisir au même endroit.
.
Et il est même possible que toute une vie de pratique ne parviennent pas à nous faire apprécier ce qu’on n’aimait pas à nos débuts (exemple : les armes).
.
Si l’aikido prône une pratique pour tous (jeunes, femmes, enfants, seniors), il est important qu’il soit bienveillant et accepter les faits suivants :
.
On peut pratiquer sans armes

On peut pratiquer sans chute

On peut pratiquer sans grades

On peut pratiquer pour les grades

On peut pratiquer professionnellement

On peut pratiquer irrégulièrement

On peut pratiquer hors fédérations
.
N’oublions pas que l’aikido est avant tout un plaisir. Et le plaisir ne peut être associé d’injonctions moralisatrices.

Faut-il se faire violence pour se dépasser ?

Depuis que je pratique l’aikido, je me suis forcée à faire des choses pour progresser.

Parmi elles :

– De longues heures de stage

– La pratique des armes

– Des cours aux horaires tardifs
– Des chutes inconfortables
Aujourd’hui, j’ai atteint mon premier objectif qui était d’obtenir ma ceinture noire.
J’ai à présent de nouveaux objectifs de progression, mais j’ai décidé de prendre du recul sur ma pratique afin de ne pas finir “dégoûtée” de la discipline.
.
Par conséquent, il est important de concilier ses objectifs de progression avec :
.
– La prise en considération de son état de santé/forme physique : on ne fait pas de travail en suwari waza, lorsqu’on a les genoux en vrac, on ne pratique pas lorsqu’on est dans un état de fatigue intense. J’essaye personnellement de suivre mes pics d’énergie (midi et journée), et d’adapter mon alimentation à la pratique de manière à être en forme sur les tatamis (ne pas manger lourd et à un horaire trop proche du cours, le soir)
.
– La prise en considération du plaisir comme fil directeur : pratiquer sans plaisir pour atteindre un objectif, c’est comme faire un régime ultra restrictif pour perdre du poids. La privation nous conduira à effet contre-productif et à tout abandonner par épuisement ou dégoût.
.
J’entends souvent qu’après des milliers de suburi, on finit par se relâcher (à force de contraction des épaules) et s’accoutumer aux coupes de sabre répétées.
.
Mais l’expérience va-t-elle nous permettre de ressentir plus de plaisir ?
.
– L’expérience nous permet certes de forger notre corps, pour le rendre plus disponible et familier à de nouvelles aptitudes développées par l’aikido
– L’expérience nous permet de développer notre endurance physique et mentale, en étant moins cérébral, plus mobile, moins épuisé et plus concentré
.
Mais le plaisir est indépendant de notre progression technique :
ce n’est pas parce qu’on me forcera à lire des milliers de romans que je vais finir par apprécier la lecture.
.
En aikido, c’est la même chose : ce n’est pas parce que je vais réaliser des heures de coupes que je vais apprécier la pratique du bokken. Je peux tout à fait voir l’utilité des armes dans la pratique à main nue tout en la trouvant répétitive et déconnectée des combats réels
.
Ce n’est pas parce que je vais faire des heures de stages que je vais apprécier l’expérience : si je fatigue ou sature après deux heures de pratique, pourquoi m’engager sur 3h30 dans un espace restreint ou je n’aurais pas de place pour chuter ?
.
Ce n’est pas parce que je vais pratiquer avec les pointures de la discipline que cette pratique me correspondra : si l’aikido proposé est trop dense pour moi, ou ne me parle pas, il est peut-être plus judicieux de trouver un enseignant qui me correspondra davantage, même avec un ou deux dans de moins.
.
Il y a le chemin de l’excellence pour progresser techniquement, et celui du plaisir pour pratiquer de manière pérenne. Bien sûr, les deux peuvent se retrouver, mais pas systématiquement partout.
.
C’est pourquoi, il est important d’adapter son objectif de progression à son expérience personnelle sur le tatami pour que challenge et plaisir marchent main dans la main.

 

Challenger ses élèves à atteindre des objectifs ambitieux pour assurer la pérennité de son club et celui de la discipline.

La “quête de grade” est souvent perçue comme un objectif personnel satisfaisant l’égo. Pourtant, en prenant plus de recul, on peut la voir comme une manière de faire monter ses élèves en compétence, et élever le niveau global de son club. Plus généralement encore, challenger ses élèves dans la réalisation d’objectifs ambitieux peut servir à assurer la pérennité de la discipline :
.
Quels sont donc ces objectifs ? Et comment assurent-ils la pérennité de la discipline sur un territoire ?
.
C’est le sujet du jour !
.
En aikido, outre la satisfaction personnelle d’obtenir une distinction honorifique, les objectifs ambitieux sont multiples :
.
– Obtenir un diplôme d’enseignement (BF, CQP…)
– Obtenir un grade Dan
– Ouvrir un club
.
Lorsqu’un enseignant pousse ses élèves à atteindre ces objectifs, il lui permet d’assurer la succession de son club (en formant les enseignants de demain), il permet à son club de rehausser son niveau global (grâce à la formation de nouveaux gradés), mais il contribue à l’interêt général de la discipline en encourageant ses élèves à ouvrir de nouveaux clubs et implanter l’aikido sur un territoire.
C’est pourquoi, il est important pour un club de générer une dynamique de groupe autour de ces objectifs ambitieux !
Le club peut ainsi :
Créer une émulation collective en composant un petit groupe d’élèves préparé sur un objectif spécifique
– Redonner confiance en ses élèves, en lui montrant qu’il a les capacités pour réussir
– Lui proposer un réel suivi dans l’atteinte de ses objectifs (une fiche pédagogique et des points régulier peut être une piste à étudier)
Lui transmettre ou se former lui-même au développement d’un club pour aider ses élèves à se faire connaître localement mais également en ligne grâce à une bonne communication.
.
Il est important que les clubs et les enseignants adoptent une vision collective pour assurer la pérennité de l’aikido sur leur territoire (local ou national). Dans ce contexte, il est urgent d’arrêter de vouloir “garder ses élèves” en les empêchant d’assurer une mission de transmission.Et cette transmission va au delà de la technique, grâce à formation diplômante mais également et des compétences commerciale.
.

Conclusion :

.
L’aikido est une discipline dont le développement territorial est nécessaire à sa survie. C’est pourquoi, les pratiquants, par leurs engagements dans la professionnalisation sont les garants de sa pérennité. Toutefois, pour que la pratique reste un plaisir, il est nécessaire de nous demander si nous suivons la voie du budo, ou notre voie intérieure.
.

👉 Si vous souhaitez recevoir mes prochains contenus par mail, abonnez-vous à ma newsletter !

.

Yéza Lucas, auteur du blog Aikido-millennials et coach professionnelle, 

Partager

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *