Le passage de grade est une étape cruciale pour le pratiquant qui souhaite progresser. Si la compétition n’existe pas en aikido, les examens n’en demeurent pas moins présents et un travail de préparation doit être réalisé en amont. Bachoter permet certes de mémoriser tout le répertoire de techniques, mais cette méthode, dont la responsabilité incombe à l’élève, n’est pas suffisante. L’enseignant a également un rôle à jouer dans le travail de préparation aux grades de ses élèves. Voici donc une réflexion personnelle découlant d’observations et de pratique, ayant pour but d’aider les clubs à optimiser leurs préparations aux grades pour accompagner au mieux leurs élèves. 

1/ Connaître le programme, les attentes du jury et le protocole (professeurs et élèves)

Ce premier point peut paraître évident, mais il mérite d’être rappelé. Qu’il s’agisse d’un passage de grade dan ou de kyu, il est important de noter que le bachotage technique n’est pas suffisant. Lors d’un examen d’aikido, les évaluateurs (ou jury) prendront en compte l’attitude sur le tatami (shisei), la martialité, les déplacements et la gestion de l’espace, la dextérité, mais également le respect de l’intégrité physique du partenaire. Dans ce cadre, il est nécessaire d’entamer une préparation tout au long de l’année car dans une situation de stress, les mauvaises habitudes refont surface.

2/ Réviser régulièrement les kyhon waza et rappeler les formes de base

Beaucoup de techniques découlent de formes de bases (ikkyo, shiho nage, irimi nage, kote gaeshi. appliqués sur shomen uchi, katate dori etc). Les formes de base doivent être identifiées et maîtrisées quelque soit le grade passé (selon les exigences du grade). C’est pourquoi, il est important que l’enseignant rappelle régulièrement la différence entre les variations qu’il peut montrer dans un cours et la forme de base à maîtriser lors d’un passage de grade. 

3/ Faire des interrogations surprises brèves

Les interrogations surprises sont souvent la hantise des élèves à l’école. Toutefois, elles ont du bon ! Elles permettent d’évaluer un élève dans sa globalité à un moment T, tout en lui enlevant le stress de la préparation en amont. En aïkido, ces interrogations permettent également de tester la réactivité de l’élève dans le cadre d’attaques spontanées et sa capacité à sortir des techniques dans un moment de stress (réflexes spontanés dans un ju waza par exemple).

4/ Faire des passages blancs réguliers et filmés servant au groupe (et apprendre à gérer le stress du public)

A l’instar des interrogations surprises brèves, proposer des passages blancs réguliers permet au professeur de conditionner ses élèves à l’examen en question. Il est intéressant que ces examens blancs soient réalisés devant l’ensemble du groupe, car ils permettent à l’élève interrogé de gérer le stress lié au public observateur, et au groupe, de comprendre la construction d’un passage de grade, et intégrer les attentes de l’examinateur. Il est également intéressant de filmer les élèves afin qu’ils puisse se regarder et corriger ses postures, ses attaques ou encore son rôle de uke. Gardons en tête que le stress peut faire diminuer la performance d’un élève lors d’un examen. Alors autant s’attaquer au problème de fond dès le départ ! 

5/ Animer des sessions de révisions en dehors des cours

L’animation de sessions de révision en dehors des créneaux de cours est une attention appréciable pour un enseignant. Elle montre l’implication du professeur dans la réussite de ses élèves et permet également de ne pas orienter les cours habituels sur les révisions uniquement.

Ces sessions de révisions peuvent être animées sous forme de stage (ouvert à tous ou réservés aux élèves du club, gratuits ou payants) ou de moment informel (laisser le tatami à disposition à un créneau défini).

Sur le fond, ces sessions de révision peuvent prendre la forme d’ateliers thématiques, d’aide à la technique, et peuvent être suivies de passages blancs. Si l’enseignant ne peut se rendre disponible pour organiser ces sessions de révisions, il peut missionner des élèves plus gradés (sempais) pour animer ces révisions.

6/ Diviser le cours en deux si besoin

Les cours d’aikido sont généralement constitués d’un niveau hétérogène (les cours de niveau sont rares). Dans ce cadre, il est possible de diviser son cours en deux groupes pour travailler certains points techniques avec des élèves plus avancés ou pour préparer des élèves à un examen spécifique. Les élèves sont avant tout des adhérents dont les raisons de l’inscription à l’aïkido diffèrent. Certains d’entre eux ont des objectifs spécifiques, comme les passages de grade, et pour répondre au mieux à leurs besoins, il est parfois nécessaire de réorganiser le cours. 

7/ Enlever la pression à ses élèves

Les passages de grades ne sont pas une épreuve compétitive mais ils n’en demeurent pas moins un examen. Et qui dit examen dit souvent stress ! La peur de l’échec, la peur de décevoir peut souvent amener les élèves à se mettre la pression. Dans ce contexte, le rôle de l’enseignant est de rassurer ses élèves, tout en leur rappelant qu’il sera fier de leur efforts et ce qu’importe le résultat. Un passage de grade n’est pas une science exacte : on peut avoir le niveau mais ne pas savoir gérer son stress, ou encore être impacté par des éléments diverses (manque de sommeil, stress lié à des causes externes) impactant notre performance le jour J. Dédramatiser l’échec, et enlever la pression est le meilleur moyen de faire un passage réussi.

8/ Voir plus loin que l’examen

La réussite de l’examen procure une certaine satisfaction pour l’élève, récompensé du fruit de ses efforts. Toutefois, les passages de grade ne sont pas une fin en soi. Un professeur doit toujours avoir une longueur d’avance pour aider ses élèves à se dépasser en le préparant à la suite. Cette suite peut être un nouvel examen (un nouveau grade, une préparation au brevet fédéral) mais également un développement de ses capacités physiques (levée des appréhensions liées à la chute, développement du lâcher-prise sur le tatami…). Pour l’aider au mieux à se dépasser, le professeur devra garder en tête les objectifs de son élève et l’y préparer, jour après jour dans chacun de ses cours, en proposant des corrections adaptées à des objectifs co-définis.

Conclusion : 

Depuis un an, aikido-millennials s’intéresse de plus en plus à la pédagogie sur le tatami. Et pour cause, les discussions régulières menées avec Arthur Frattini et l’ensemble de l’équipe enseignante de mon club m’ont nourrie et permis d’adopter une réflexion personnelle sur le sujet. En tant qu’élève, ce savoir-faire pédagogique m’a permis de progresser rapidement, en renforçant ma confiance en moi en matière de chutes, en adoptant de meilleures formes de corps, en prenant conscience de l’importance du shisei, de l’engagement de uke sur le tatami, mais également en améliorant mon niveau technique. C’est cette année que j’ai pu obtenir mon premier kyu. Aujourd’hui Arthur m’a conduit à me présenter à l’examen du premier dan (que j’ai obtenu !). Si elle n’est pas responsable de ma réussite ou de mon échec, elle m’a toutefois permis  de réaliser que j’en avais le niveau. A l’instar du coaching, l’enseignant réalise 50% du travail, et l’élève 50% du travail restant. C’est cette collaboration qui donnera les meilleurs résultats, à l’aïkido, mais également en dehors des tatamis.

 

👉 Si vous souhaitez recevoir mes prochains contenus par mail, abonnez-vous à ma newsletter !

Partager

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *