Dans la vie d’un dojo, trois questions reviennent régulièrement :
comment accueillir un débutant pour lui donner envie de revenir,
comment progresser lorsqu’on fait partie des plus gradés d’un club,
et que faire lorsqu’un créneau reste vide.
Ces questions semblent très différentes, mais elles touchent toutes à la même réalité :
la qualité de la transmission, la dynamique du dojo et la manière dont chacun, débutant comme avancé, trouve sa place dans la discipline.
Cet article propose une réflexion structurée autour de ces trois enjeux, avec une idée simple : l’Aïkido évolue grâce à ses pratiquants, mais surtout grâce à sa capacité à accueillir, accompagner et s’ajuster.
1. Premier cours d’Aïkido : que transmettre au débutant pour lui donner envie de revenir ?

Accueillir des débutants est un véritable challenge pour un club. L’objectif d’un premier cours est de montrer un aperçu de ce qu’est l’Aïkido, tout en le rendant accessible, concret et compréhensible pour quelqu’un qui n’a jamais pratiqué.
L’enjeu est d’enseigner quelques principes de base, de les faire bouger, de leur donner un aperçu de ce qu’ils pourront faire avec l’expérience — et surtout, de leur donner envie de revenir. Pour cela, plusieurs leviers peuvent être actionnés :
-
Le sentiment de fierté : en leur montrant comment dépasser leurs limites, en sortant de leur zone de confort sans les mettre en danger.
-
La fatigue physique : repartir avec la sensation d’avoir fourni un effort et de s’être vraiment dépensé.
-
L’accessibilité : leur montrer qu’ils peuvent réussir un déplacement, une chute ou une technique dès un premier cours.
-
La convivialité : parce qu’on revient naturellement là où on se sent accueilli, encouragé et respecté.
Bref, l’objectif d’un premier cours n’est pas d’impressionner, mais d’ouvrir une porte d’entrée.
Et il faut garder en tête qu’un pratiquant débutant va saturer très vite. Il n’est donc pas nécessaire de rester focalisé sur une technique jusqu’à ce qu’il la réussisse : il est normal qu’il ne retienne rien et ne comprenne pas tout. Le rôle de l’enseignant est de lui faire prendre conscience que tout sera revu. Que la progression repose sur un principe simple : la répétition régulière, qui crée la mémoire corporelle.
Ce qui semble peu intuitif aujourd’hui deviendra un automatisme demain.
Pour favoriser cette assimilation, le travail doit être régulier mais espacé, afin de laisser au corps le temps d’intégrer les mouvements.
L’Aïkido est une voie. Mais ce sont ses enseignants qui mettent les nouveaux pratiquants sur le chemin.
C’est pourquoi il est important de s’interroger sur sa manière d’enseigner, de simplifier ce qui peut l’être, et surtout d’ouvrir le dialogue avec les débutants.
Car avant d’être une voie, l’Aïkido est d’abord un échange, où chaque voix compte.
2. Comment progresser et préparer des grades quand on fait partie des plus gradés de son club ?

S’il est essentiel de bien accueillir un débutant, il est tout aussi crucial de soutenir les pratiquants avancés — notamment ceux qui n’ont plus, dans leur club, de partenaires de leur niveau.
En Aïkido, plus on monte en grade, moins on a de partenaires d’entraînement de son niveau. Se pose alors la question : comment progresser et monter en grade dans ces conditions ?
Voici 4 pistes à privilégier :
Suivre un enseignant qui prépare aux grades (quand il y en a)
Pour préparer un examen dan, les cours ne suffisent pas : il faut une préparation spécifique.
Une préparation qui implique de brasser l’ensemble du catalogue, travailler sa condition physique, ses postures, sa martialité, mais également sa gestion du temps et du stress. Car au-delà du répertoire, on travaille la fluidité, l’ancrage ou la puissance selon le grade préparé.
Passer des examens blancs régulièrement est une manière de préparer un grade. Mais cela implique que l’enseignant soit à jour des exigences des examens et qu’il prenne ce temps pour préparer ses élèves.
Participer à des prépa-grades
Les prépa-grades sont un bon exercice en vue de passer un examen dan. En revanche, peu mettent réellement les élèves dans des conditions d’examen (de ce que j’ai pu observer en 9 ans de pratique). Et c’est bien dommage, parce qu’un examen spécifique requiert une préparation spécifique.
Rappelons-le encore : un examen dan ne se contente pas de la maîtrise du répertoire. Il s’agit de réaliser proprement des techniques dans un format spécifique qui requiert une bonne gestion du stress et une préparation physique appropriée.
Participer à des stages de tous horizons
Lorsqu’on ne peut pratiquer avec des élèves plus gradés que soi, il est toujours intéressant d’aller voir ce qui se passe ailleurs en termes d’enseignement ou de profil de pratiquant.
C’est ce que j’ai fait cette année, par exemple, en me rendant au stage de Léo Tamaki du Kinshinkai.
Pratiquer ailleurs permet de s’ouvrir à de nouveaux horizons, de sortir de sa zone de confort en se confrontant à des corps qui bougent différemment, et de prendre ce qu’on ne trouve pas au sein de son propre dojo.
Enseigner, pour être mis face à ses propres difficultés
Enseigner est une autre manière de progresser, car ce qui se conçoit bien s’énonce clairement.
Lorsque l’on enseigne, nos élèves sont un miroir de notre pratique et notamment de la clarté de notre Aïkido.
Si nos explications ne sont pas claires, si nos élèves se retrouvent en difficulté, c’est que nous avons une part de travail à réviser. Enseigner est en effet une belle leçon d’humilité, car cela nous met face à nos propres fragilités.
En résumé
Progresser en Aïkido et réviser des grades est un véritable défi lorsque nous nous retrouvons parmi les plus avancés de notre dojo. C’est pourquoi il est essentiel d’adopter des stratégies d’ouverture pour maintenir un niveau technique et le faire évoluer.
En arrivant à La Réunion, j’ai rapidement pris conscience que l’offre de cours d’Aïkido était bien différente de ce que j’ai connu à Paris et en région parisienne. Il faut composer avec une offre de cours et de stages plus réduite, et saisir davantage d’opportunités pour évoluer dans sa propre pratique.
Et c’est ce challenge qui nous conduit à plus de motivation et de détermination pour atteindre nos objectifs de progression.
3. Aïkido : que faire quand un créneau reste vide ?
Après l’accueil des débutants et la progression des avancés, un autre sujet touche directement la vitalité d’un club : les cours qui ne prennent pas.
Dans la vie d’un dojo, il arrive qu’un créneau soit régulièrement très peu rempli, voire presque toujours vide.
C’est un sujet sensible, mais essentiel, parce qu’un cours déserté n’est jamais anodin. Il interroge la dynamique du club, la manière dont on enseigne, et la manière dont les élèves vivent la pratique.
Lorsqu’un créneau ne fonctionne pas, plusieurs pistes peuvent être explorées :
L’horaire est-il réellement adapté ?
Ce n’est pas toujours une question de pédagogie.
Parfois, le problème vient simplement d’un créneau difficile : trop tôt, trop tard, en concurrence avec d’autres activités, ou placé à un moment où la majorité des élèves ne peuvent pas venir.
Dans un dojo municipal, les créneaux sont souvent imposés. Il n’est pas toujours simple de les mutualiser ou de les déplacer, mais il est utile d’en évaluer la pertinence pour éviter d’entretenir une dynamique qui ne prend pas.
Faut-il interroger la pédagogie et l’approche de l’enseignant ?
Un cours peut rester vide parce que la pédagogie ne correspond pas au public.
Ce n’est pas une question de compétence, mais d’adéquation :
– rythme trop intense ou trop lent,
– ambiance peu engageante,
– pédagogie mal ajustée aux débutants,
– style d’enseignement qui ne “prend” pas.
Pour comprendre ce qui se passe, il faut interroger les élèves avec tact, diplomatie et professionnalisme.
Demander des retours sincères, écouter sans se défendre, et comprendre ce que les pratiquants vivent réellement.
Observer in situ : superviser le cours concerné
Avant de tirer des conclusions, il est précieux d’observer le cours.
Voir ce qui se passe concrètement :
– la dynamique du groupe,
– la qualité des explications,
– la place laissée aux élèves,
– l’énergie générale.
Cette supervision permet de comprendre ce que les élèves ne verbalisent pas toujours.
Se demander si c’est une question d’affinité ou d’incompatibilité
Certaines relations pédagogiques fonctionnent naturellement, d’autres moins.
On peut être un très bon enseignant et ne simplement pas trouver son public dans un créneau ou un type de groupe.
C’est humain, et cela arrive dans tous les arts martiaux.
Repenser l’organisation du créneau
Si après observation, dialogue et ajustements, rien ne change, la question devient plus large : faut-il maintenir un créneau vide si cela ne permet pas d’assurer un enseignement de qualité ?
Dans certains cas, la solution la plus saine pour la dynamique du club est de réorganiser les cours, déplacer l’enseignant sur un autre créneau, ou fusionner temporairement des cours le temps de reconstruire une dynamique.
Et, même si cela peut sembler extrême, il est parfois nécessaire de donner congé à un enseignant si sa présence porte atteinte à la vitalité du dojo — lorsqu’il existe une alternative pour le club.
Ce n’est jamais une décision facile, mais cela reste une option lorsque tout le monde y perd : élèves, club, ambiance et dynamique générale.
En résumé
Un cours vide n’est pas un problème isolé : c’est un signal.
Il invite le dojo à s’interroger avec honnêteté : l’horaire, la pédagogie, l’ambiance, la communication, ou l’adéquation entre l’enseignant et le public.
La meilleure réponse n’est jamais punitive mais stratégique : comprendre, ajuster et réorganiser si nécessaire.
La priorité reste la même : offrir aux pratiquants un espace vivant, cohérent et inspirant, un dojo où l’Aïkido peut réellement s’épanouir.
Conclusion
Qu’il s’agisse d’un premier cours, d’une préparation aux grades ou d’un créneau déserté, les questions qui traversent la vie d’un dojo sont les mêmes :
comment accueillir, comment accompagner, comment ajuster.
L’Aïkido ne se limite pas à un répertoire technique : c’est une dynamique collective.
Un espace où chacun — débutant, avancé, enseignant ou responsable — a un rôle à jouer pour préserver la vitalité du dojo.
Un club qui sait se remettre en question, écouter ses pratiquants et adapter sa pédagogie est un club qui évolue, qui vit, et qui donne envie de grandir avec lui.

