L’Aikido est un art martial ouvert à toutes et à tous ! Pourtant, dans les faits, la part de femme est bien minoritaire sur les tatamis. En ce 8 mars 2024, Journée Internationale du Droit des femmes, je souhaite souligner de nouveau la réalité de la situation d’inégalité homme/femme en Aikido, en terme de représentativité parmi les élèves, les enseignants, mais également dans les postes à responsabilités fédérales. L’Aikido n’est certes pas le plus mauvais élève des arts martiaux mais des progrès sont encore à faire. Bonne lecture.
.
1/ La philosophie de l’Aikido a tout pour séduire les femmes
.
Dans sa philosophie, l’Aikido est un art martial non violent (pas de coups portés, pas de frappes au sol) ne demandant pas de mobiliser une grande force physique pour performer. Il ne propose pas de compétition, et considère l’autre comme un partenaire et non un adversaire. Par ailleurs permet de développer des aptitudes martiales en termes de postures, de vigilance et de confiance en soi. Sans pour autant se ranger dans la catégorie “self-défense”, l’Aikido reste un choix pertinent pour les femmes.
.
Par ailleurs, l’Aïkido est un art martial à la fois esthétique (la beauté du geste), visuel (l’envolée des belles chutes, la légèreté des déplacements), non violent, accessible à tout gabarit, âge et poids mais également efficace.
.
2/ Pour autant, le constat sur les tatamis est sans appel
La FFAAA comprend près de près de 21 000 licenciés dont un peu plus de 30% de femmes (Source : FFAAA et PSF en 2021). A la FFAB qui comprend 23 000 licenciés, on compte 24% de femmes (sources de la Commission Nationale Féminine de la FFAB ici ). Parmi ces dernières, il serait intéressant de calculer la part d’entre elles titulaires d’un diplôme d’enseignement, enseignant mais également de haut gradées.
.
En stage, les femmes sont par conséquent minoritaires (réalité mathématique découlant des chiffres) même si aucune donnée statistique n’est extraite de ces événements.
.
Le constat n’est pas propre à l’Aikido mais il ne reste pas moins malheureux.
.
Bien sûr, des réalités sociales expliquent en partie ce déséquilibre.
.
A l’instar d’autres disciplines mais également de la vie professionnelle, les femmes désirant fonder une famille se retrouvent à l’arrêt pendant environ une année minimum, pendant cette période de grossesse, et toutes ne reprennent pas le chemin des tatamis. Cette “pause” peut expliquer le ralentissement de la montée en grade des femmes en Aikido. Pour autant, cela n’explique pas tout.
.
De même, les femmes ne sont pas toujours présentes les soirs sur les tatamis car une partie d’entre elles s’occupe de garder leurs enfants. Bien sûr, ce n’est pas toujours le cas dans chaque ménage, mais il s’agit bien d’une réalité à prendre en considération.
Un constat partagé par Irène Lecoq, 7e Dan d’Aikido : “C’est pas aussi simple de se dégager deux soirées par semaine “
.
3/ L’Aikido ne met pas assez ses femmes en lumière
.
Les femmes sont présentes sur les tatamis mais minoritaires.
Elles sont également minoritaires sur le plan de l’enseignement, et comme l’interroge Isabelle Belly dans l’Aikido Magazine de 2012 : combien d’entre elles ne sont pas confinées à l’enseignement enfant ?
.
Ou encore à rester enseignante suppléante ?
.
C’est également un constat partagé par Irène Lecoq, 7e dan, et ancienne Présidente de la Ligue Aquitaine dans une interview pour Aikido Aviron Bayonnais en 2024 :
Il y a moins de pratiquantes, et elles sont proportionnellement moins gradées et moins enseignantes. Contrairement à des pays comme les Etats-Unis où les femmes sont plus “agressives”, en France, ces dernières restent souvent dans l’ombre des hommes et rares sont celles qui dirigent un dojo seule (sans être enseignante assistante, ou enseignante des cours enfants).
Irène Lecoq souligne également une réalité sociétale : les femmes ont besoin qu’on les sollicite pour accéder aux responsabilités. En tant que Présidentes de Ligues, en tant qu’enseignante et même pour passer des grades car peu recherchent la reconnaissance par les grades selon elle.
L’ancienne Présidente de Ligue Aquitaine s’interroge également sur ce que la pratique des enseignants homme induit chez les femmes.
.
La situation a potentiellement évolué depuis 2012, mais les chiffres manquent pour le vérifier.
.
En matière de responsabilité fédérales, le constat est également présent :
.
– 1 DFR femme est présente au Collège Technique
– 5 présidentes dirigent des Ligues sur 18 régions
.
Bien sûr, on pourrait trouver des explications à cela, mais les chiffres restent les chiffres.
.
Dans une interview pour Aikido Aviron Bayonnais, datant de 2023, Micheline Tissier, 7e dan, et rare figure féminine médiatisée de l’Aikido, le déplore : sans compétition, pas de championne en Aikido. Par conséquent, les femmes doivent prouver leur légitimité en dehors du tatami. Le machisme est donc plus pervers et moins assumé, déplore Irène Lecoq qui partage le constat de Micheline Tissier sur la lutte des femmes pour s’affirmer sur les tatamis et en dehors.
.
Sur le plan médiatique, les femmes sont également minoritaires dans les démonstrations. A l’exception de Coralie Camilli, qui a percé à la nuit des arts martiaux de Bercy en 2022, combien de femmes ont été sous les projecteurs en Aikido en France ?
.
Manon Soavi et Coralie Camilli ont également produit des ouvrages en lien avec l’Aikido (sans pour autant être un ouvrage technique sur la discipline) , et on pu bénéficier d’une visibilité médiatique pour cela.
De même, la pop culture commence à valoriser les femmes dans les arts martiaux via des séries ou animés tels que The Man in the High Castle, Detective Conan ou Jujutsu Kaizen, mais les apparitions sont encore timides.
.
Il existe donc quelques exceptions parmi les femmes qui sortent du lot, mais elles restent des exceptions.
.
4/ Quelles actions pour valoriser les femmes dans l’Aikido ?
La situation n’est pas pour autant fataliste. En effet des évolutions émergent et des pistes de solutions existent.
En matière de pratique, on peut faire le choix de valoriser l’expertise des femmes.
A la Réunion, la Ligue a crée une Ecole régionale d’Aikido comprenant un Pole Jeune qui a permis à Julie, 22 ans, 1er Dan BF, de co-animer un stage régional.
.
Sur les tatamis, il est également possible d’adopter des stratégies pour attirer les femmes :
– Avec des opérations commerciales envers ce public à l’occasion d’événements symboliques (Journée de la femme, Saint Valentin, Fête des mères etc). Certains crieront au sexisme ou à la discrimination positive. Pour autant, les femmes appellent les femmes. Et le marketing (et son argumentaire parfois peu nuancé) n’est qu’une action parmi d’autres pour les attirer.
.
– Avec des cours non mixtes (comme c’est le cas au Hombu Dojo ou en France avec le créneau féminin proposé par Manon Soavi dans son club Tenshin Aikido, depuis 2023). Pour Manon Soavi, il s’agit de proposer un cadre sécurisant dans un espace dans lequel elles peuvent s’émanciper du regard masculin, (re)redécouvrir leur puissance, retrouver l’estime de soi :
.
“L’idée de cette séance est d’enlever les freins qui peuvent arrêter les femmes dans l’accès à la pratique. En particulier enlever les craintes de se faire bousculer, maltraiter, moquer. De ne pas subir les regards concupiscent et les touchers inappropriés. Il s’agit donc de créer une situation à l’image de l’« affirmative action » américaine pour stimuler l’accès à cet outil formidable qu’est l’Aïkido avec une situation favorable, non pas parce que les femmes seraient faibles ou seraient l’« autre », mais parce que le degré d’oppression ne peut être nié, y compris en club. Pour que les femmes puissent retrouver un rapport à leurs corps en s’émancipant du regard masculin, qu’elles puissent se redécouvrir puissantes et renforcer leur estime d’elles-mêmes. “
.
– On peut également faire le choix de valoriser les femmes sur les tatamis grâce à un projet photographique (comme le fait actuellement Laure photographe : photos ci dessous)
.
– On peut proposer des activités enfant en parallèle d’un cours adulte pour que la question du babysitting ne soit pas un sujet
.
– On peut valoriser les femmes à travers des reportages via des chaînes médiatiques : Konbini a valorisé Hélène Doué en 2023, NHK World a réalisé un reportage sur le dojo de Yoko Okamoto en 2022.
.
– Enfin, on pourrait aussi concevoir un magazine d’arts martiaux féminins pour attirer un public de femmes et les pousser à franchir la porte d’un dojo.
.
Les pistes de solution ne manquent pas.
A nous de saisir les perches tendues devant nos yeux.
.
Conclusion
.
Le sujet “femmes et aikido” n’est pas simple. Il y a d’abord une réalité : les femmes sont minoritaires sur les tatamis en France (même si des statistiques montrent que la part de femmes augmente dans les sports de combat et arts martiaux depuis plusieurs années). Elles sont également minoritaires en tant qu’enseignante, en tant que Haut-gradées mais également aux postes à responsabilité dans l’Aikido. Pourtant lorsqu’on déploie des stratégies de communication ciblées, on crie au sexisme. Or, le marketing féminin existe, et se base sur des arguments invoquées par des femmes. Il n’y a certes, pas d’Aikido féminin à proprement parlé, et si l’Aikido est mixte, il peut toutefois être incarné différemment selon l’énergie du technicien ou de la technicienne. Il n’est donc pas inutile de rappeler que les femmes attirent les femmes sur un tatami. Par conséquent, faire du sujet “femme et aikido” un non sujet revient à étouffer le problème. Il n’existe pas de solution toute faites, mais plutôt que de se voiler la face, ou de faire d’un triste constat une fatalité, il devient urgent de prendre le taureau par les cornes et d’interroger les principales intéressées.
.
Belle journée des femmes à toutes,
.
Si vous souhaitez développer la visibilité de votre club ou booster votre communication, vous pouvez télécharger mon Ebook : 3 étapes pour développer la visibilité de votre club