L’aikido vit dans un monde en mutation. Pour être au plus proche des besoins de ses adhérents et futurs adhérents, il doit lui aussi s’adapter. C’est pourquoi, une prise de recul est nécessaire pour observer dans la pratique actuelle de l’aikido, les bases solides de la discipline, mais également les leviers de mutations activables pour faire évoluer la pratique et lui apporter un regard nouveau, dans un monde changeant.

Aikido à Bercy : entre diversité et confusion 

Il y a quelques semaines, se tenait le Festival des Arts Martiaux à l’Accor Arena. Cet événement rassemblait des professionnels de diverses disciplines martiales réalisant des démonstrations rythmées. Parmi ces disciplines, l’aikido était présent et quadruplement représenté :

✅Avec un duo balayant un ensemble de techniques représentatives de la discipline (Coralie Camilli et Arthur Frattini )
✅ Avec un quatuor représenté par Bruno Gonzales et ses Uke, pour une pratique artistique et théâtralisée mais non moins technique et martiale
✅ Avec un parallèle entre la pratique dans un dojo et dans la rue, mis en scène par Léo Tamaki
✅ Avec un aikido axé sur l’efficacité pratique, le real aikido serbe

La pluralité et la diversité de ces démonstrations aura eu pour mérite de mettre l’aikido à l’honneur à l’occasion de ce grand rendez-vous annuel. Mais en parallèle, la question de la lisibilité de l’aikido survient. Ainsi, le grand public peut s’interroger :

👉 L’aikido est-il un art martial efficace en situation réelle ?
👉 L’aikido est-il un art martial non violent comme on l’entend souvent ?
👉 L’harmonie et le contact sont-ils au coeur des fondements de la discipline ?
👉 Que dois-je venir chercher à l’aikido ?

Dans ce contexte, la confusion s’instaure.
L’aikido est un art martial riche de par sa diversité et de par ses déclinaisons.

Aujourd’hui, il est important de savoir à quoi l’aikido est associé dans l’imaginaire collectif, et nous demander si la vision que le grand public s’en fait, est en harmonie avec une vision consensuelle de la discipline.

L’éternel question qui demeure est donc la suivante  : quel est le message commun que l’aikido souhaite transmettre ? 

Comment concilier valeurs conservatrices et volonté d’ouverture au monde moderne

L’aïkido est un art martial aux valeurs conservatrices. On peut y observer sur le tatami :
🔸 Une hiérarchie entre les grades
🔸 Du sexisme plus ou moins conscient (qui n’est pas propre à la discipline)
🔸 Une étiquette à préserver

En dehors des tatamis, une hiérarchie pyramidale des structures organisatrices renforce le fonctionnement conservateur de la discipline.

En parallèle, l’aikido manifeste un besoin et une envie de s’ouvrir au monde, à travers :

🔹 Un besoin urgent de se renouveler : un nombre de licenciés en chute libre depuis 10 ans, une communication dont le message ne parle pas aux nouvelles générations (parler d’harmonie des énergies peut sembler déconnecté par exemple), et une absence de vision partagée au sein des instances dirigeantes : quelles valeurs veut-on mettre en avant ? L’efficacité ? La confiance en soi ? La relation à l’autre ? La paix intérieure ?

🔹 Une volonté d’accueillir un public hétérogène : une discipline accessible à tous les gabarits, ouverte à tous les sexes et âges (les enfants sont aux abonnés présents sur les tatamis et la création d’une instance internationale pour promouvoir l’aikido chez les jeunes est la preuve que ce public est demandeur). L’enjeu est aujourd’hui de recruter des jeunes adultes, et des femmes !

🔹 Des médias qui déforment la définition et le message que véhicule l’aikido : A nous de nous demander d’une part si nous ne devrions pas choisir un angle particulier et plus fédérateur dans une communication publique, et d’autre part, si le fait d’entendre parler d’aikido dans les médias grand public n’est tout de même pas une très bonne nouvelle pour la visibilité de la discipline.

Si nous arrivons à renouveler notre public grâce à une communication plus adaptée, il ne tiendra qu’à nous par la suite de transmettre un message plus profond par la suite, une fois les élèves présents sur les tatamis.

Dans le marketing, un secteur que je connais bien, on met l’accent sur un aspect vendeur d’un produit/service/concept pour attirer le client. Une fois attiré, c’est à vous de montrer les autres aspects cachés de votre projet 😉

Et si on arrêtait les guerres de chapelle, entraves à la promotion de la discipline ?

Depuis que j’ai commencé l’aikido, j’observe à plusieurs niveaux des querelles de clochers : tout commence par deux fédérations, qui ne s’unissent qu’à de rares occasions, puis des dissidences internes entre clubs et instances gouvernantes, mais également des tensions en interne à plusieurs niveaux. Ajoutons à cela, des rivalités interpersonnelles, et le compte est bon.
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Et pourtant, ces petites guerres sont une manifestation des égos de chacun. Le problème, c’est que ces égos oublient de s’écraser pour servir une cause plus noble : la promotion de l’aïkido.

Car, il n’échappe à personne que l’aikido connaît un lourd déclin depuis plus d’une décennie.

Et pour cause :
💢 Le manque d’attractivité d’une discipline non compétitive
💢 Un manque de maîtrise des outils numérique par les clubs
💢 Une communication qui vise un public d’aikidoka et non de néophytes
💢 Des réticences internes qui paralysent le développement d’une communication claire et impactante à destination du grand public

Les aikidokas sont donc les premiers responsables de la sclérose de la discipline.

Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai de nouveau assisté à la critique personnelle d’une figure influente de l’aikido, pour des motifs liés à son physique.

Et pourtant, mettre sa personnalité au service de la discipline est une bonne stratégie visant à promouvoir l’aikido au-delà de son cercle d’aikidoka.

L’aikido n’échappe pas aux lois du marketing. En effet, pour toucher un public, il faut :

✅un message clair (comment l’aikido va-t-il répondre à mes besoins),
✅ une visibilité (comment toucher un cercle de néophytes),
✅ une incarnation forte (est-ce que je me sens représenté par les aikidokas mis sous les projecteurs)

Et c’est sur ce dernier point que j’invite à réfléchir : si nous voulons attirer un public plus jeune, nous devons faire en sorte qu’ils se sentent représentés, à la fois en terme de public, mais également en terme de message. Fustiger le concept d’efficacité et s’entêter à prêcher l’harmonie des énergies ne redorera pas le blason de l’aikido, qui a besoin d’un nouveau souffle (et d’un nouveau discours).

🔹Si nous avons tous pour objectif de sauver l’aïkido, faisons taire nos égos
🔹Si nous voulons redorer son image, faisons passer un nouveau message
🔹Si nous voulons assurer sa promotion, changeons les figures de sa représentation
🔹Si nous voulons assurer sa pérennité, arrêtons les guerres de clocher

Conclusion :

“Il faut que tout change pour que rien ne change” disait Lampedusa. Pour que l’aikido puisse véhiculer des valeurs d’universalité, d’adaptabilité et se prêter au déséquilibre, il doit accepter le changement et l’adaptation, nécessaires à la survie de la discipline qui connait une chute de son nombre de licenciés depuis près d’une décennie, aggravé par une crise sanitaire inédite. Mais nous avons aujourd’hui toutes les cartes en main pour remonter la pente ! Maintenant les observations faites, nous pouvons désormais passer à l’action ! Et pour cela, commençons localement, à l’échelle de nos régions et de nos clubs. 

 

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