Quand on parle de sécurité dans un dojo, on pense immédiatement aux chutes bien exécutées, à la prévention des blessures ou à la vigilance pendant la pratique. Mais il existe une autre dimension, plus silencieuse et pourtant fondamentale : la sécurité psychologique.

Un Ă©lĂšve qui se sent humiliĂ©, ignorĂ©, mis sous pression ou tĂ©moin de comportements dĂ©placĂ©s n’est pas en sĂ©curitĂ©, mĂȘme si son corps ne subit aucun dommage. Le climat du dojo influence directement l’apprentissage : sans confiance, il n’y a pas de progression durable. Un dojo doit donc ĂȘtre un lieu oĂč l’on se sent Ă  la fois protĂ©gĂ© physiquement et respectĂ© moralement et Ă©motionnellement.

Voici 7 rĂšgles essentielles de sĂ©curitĂ© psychologique que tout enseignant d’AĂŻkido devrait garder en tĂȘte.

Cet article s’inscrit dans la continuitĂ© de ma sĂ©rie consacrĂ©e aux rĂšgles essentielles pour devenir un “bon” professeur d’Aikido) 

 

1ïžâƒŁ Ne jamais humilier un Ă©lĂšve

Corriger un Ă©lĂšve est nĂ©cessaire : l’enseignement repose sur ce va-et-vient constant entre essai, erreur et ajustement. Mais corriger n’est pas humilier. La correction vise le geste, l’humiliation atteint la personne.

Un enseignant qui se moque, qui tourne une erreur en dĂ©rision ou qui compare un Ă©lĂšve dĂ©favorablement aux autres crĂ©e un climat de honte. L’élĂšve ne retiendra pas la correction technique : il retiendra la blessure. Cela peut le bloquer durablement, et parfois le pousser Ă  quitter la pratique.

À l’inverse, un enseignant qui corrige avec respect donne Ă  l’élĂšve le sentiment d’ĂȘtre accompagnĂ©, pas jugĂ©. Dire « relĂąche tes Ă©paules, ça passera plus fluide » n’a pas le mĂȘme impact que « tu bouges comme un robot ». La technique est la mĂȘme, mais le climat psychologique change tout. La dignitĂ© doit toujours passer avant la prĂ©cision technique.

2ïžâƒŁ Stopper immĂ©diatement les comportements dĂ©placĂ©s

Le dojo est un espace collectif. L’enseignant en est le garant : il ne transmet pas seulement des techniques, il veille aussi au climat. Laisser passer un surnom humiliant, une blague sexiste ou un geste intrusif, c’est envoyer le message que ces comportements sont tolĂ©rĂ©s.

Un enseignant doit donc intervenir rapidement, sans attendre que la situation s’aggrave. Il ne s’agit pas de crĂ©er un drame, mais de poser une limite nette : « Ici, on respecte chacun », « Ce genre de propos n’a pas leur place ». Cette intervention ferme sĂ©curise tout le groupe : l’élĂšve concernĂ© se sent soutenu, et les autres comprennent que l’espace est protĂ©gĂ©.

Un climat oĂč les comportements dĂ©placĂ©s sont ignorĂ©s devient vite toxique. Les Ă©lĂšves vulnĂ©rables se taisent ou partent, et le dojo perd sa vocation d’espace d’harmonie. La tolĂ©rance zĂ©ro n’est pas de la rigiditĂ©, c’est une condition pour que chacun puisse pratiquer sereinement.

3ïžâƒŁ Respecter les limites personnelles

Chaque Ă©lĂšve arrive avec son histoire, son corps, ses Ă©motions. Certains sont Ă  l’aise avec l’intensitĂ©, d’autres non. Certains n’ont aucun problĂšme avec le contact physique, d’autres ressentent de la gĂȘne. Beaucoup n’osent pas le dire, de peur de dĂ©cevoir l’enseignant ou d’ĂȘtre jugĂ©s faibles.

C’est pourquoi il est essentiel d’instaurer une culture oĂč poser ses limites est normal et respectĂ©. Rappeler rĂ©guliĂšrement « vous pouvez dire stop », ralentir le rythme quand un Ă©lĂšve en a besoin, proposer une alternative lorsqu’un exercice dĂ©range : ces gestes montrent que la parole de l’élĂšve compte.

Respecter les limites personnelles n’empĂȘche pas la progression, bien au contraire. C’est souvent en se sentant respectĂ© dans ses choix qu’un Ă©lĂšve trouve ensuite la force de dĂ©passer ses blocages. Forcer ou insister produit l’effet inverse : la peur s’installe et la pratique perd son sens.

4ïžâƒŁ Assurer un climat de confiance

La confiance est la base invisible de l’apprentissage. Sans elle, les Ă©lĂšves se contentent d’exĂ©cuter mĂ©caniquement, par habitude ou par peur. Avec elle, ils osent essayer, se tromper, recommencer et poser des questions.

Un climat de confiance se construit par de petits gestes quotidiens : accueillir les erreurs avec bienveillance, encourager les Ă©lĂšves aprĂšs un essai ratĂ©, prendre le temps d’écouter une question. 

Dans un dojo oĂč rĂšgne la confiance, l’élĂšve n’est pas prĂ©occupĂ© par ce que les autres vont penser. Il peut se concentrer sur sa pratique, progresser Ă  son rythme et s’impliquer pleinement. C’est cette atmosphĂšre sĂ©curisante qui permet la vĂ©ritable progression.

5ïžâƒŁ PrĂ©server l’équitĂ© et l’inclusion

Un dojo peut vite reproduire les dynamiques de n’importe quel groupe : favoritisme, clans, exclusions invisibles. Si l’enseignant valorise toujours les mĂȘmes Ă©lĂšves pour dĂ©montrer, si certains pratiquants sont systĂ©matiquement ignorĂ©s, un sentiment d’injustice s’installe.

PrĂ©server l’équitĂ©, ce n’est pas traiter tout le monde de maniĂšre identique, mais offrir Ă  chacun une attention juste. Aller voir les dĂ©butants autant que les avancĂ©s, encourager les Ă©lĂšves timides, veiller Ă  ce que les femmes, les adolescents, les seniors ou les personnes en situation de handicap trouvent leur place : c’est cela, l’inclusion.

Un dojo Ă©quitable est un dojo qui reflĂšte l’universalitĂ© de l’AĂŻkido. C’est ce souci de justice qui fait que chacun se sent reconnu, respectĂ© et motivĂ© Ă  continuer, quel que soit son profil.

6ïžâƒŁ Clarifier le cadre Ă©thique

La sĂ©curitĂ© psychologique passe aussi par la transparence. Un dojo sans rĂšgles explicites peut devenir un espace de flou oĂč certains abusent de leur position.

Établir un cadre Ă©thique, c’est expliquer clairement les comportements attendus : respect mutuel, Ă©coute, possibilitĂ© de dire non. C’est aussi indiquer Ă  qui s’adresser en cas de problĂšme : prĂ©sident de club, assistant, responsable associatif.

Et surtout : si un Ă©lĂšve exprime un malaise, il doit ĂȘtre entendu. Ignorer une plainte ou la minimiser brise la confiance. Dans ce cas, des dĂ©marches doivent ĂȘtre possibles : en parler Ă  un responsable du club, puis au comitĂ© directeur, et si nĂ©cessaire Ă  la fĂ©dĂ©ration. Ces relais sont essentiels pour que personne ne reste seul face Ă  une situation de danger ou d’abus.

7ïžâƒŁ Être exemplaire et stable Ă©motionnellement

Les Ă©lĂšves n’écoutent pas seulement ce que dit leur professeur : ils observent ce qu’il fait, comment il se comporte, comment il rĂ©agit. L’exemplaritĂ© est une pĂ©dagogie silencieuse mais constante.

Un enseignant qui perd patience, qui s’emporte ou qui dĂ©verse sa mauvaise humeur sur ses Ă©lĂšves installe un climat d’instabilitĂ©. Les pratiquants ne savent jamais Ă  quelle rĂ©action s’attendre : seront-ils encouragĂ©s ou humiliĂ©s ? Cette imprĂ©visibilitĂ© dĂ©truit la confiance.

À l’inverse, un enseignant qui reste stable Ă©motionnellement devient un repĂšre. Cela ne veut pas dire cacher ses Ă©motions, mais les gĂ©rer pour ne pas les faire peser sur les Ă©lĂšves. ReconnaĂźtre une erreur, s’excuser pour une remarque trop dure, garder son calme face Ă  une provocation : autant de signes de constance. Cette stabilitĂ© inspire confiance et donne l’exemple d’une pratique cohĂ©rente avec les valeurs de l’AĂŻkido.

Conclusion

Être un bon enseignant d’AĂŻkido, ce n’est pas seulement transmettre des techniques ou assurer la sĂ©curitĂ© physique. C’est aussi protĂ©ger un espace invisible mais essentiel : la sĂ©curitĂ© psychologique.

Un dojo sĂ»r n’est pas seulement un tatami sans blessures. C’est un lieu oĂč l’on sait qu’on ne sera pas humiliĂ©, qu’on pourra poser ses limites, qu’on sera inclus et entendu, et oĂč le professeur incarne par son exemple et sa stabilitĂ© les valeurs qu’il transmet.

La question que chaque enseignant devrait se poser est simple :

👉 « Est-ce que mes Ă©lĂšves se sentent vraiment en sĂ©curitĂ© avec moi, au-delĂ  de la technique ? »

 

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