Dans notre premier chapitre, nous (Yéza Lucas et Stéphane Ethève) avons partagé notre réflexion sur la vision moderne de l’Aïkido, en réponse aux commentaires “traditionnalistes” que nous avons observés sur Facebook.

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Dans notre deuxième chapitre, nous avons partagé notre vision sur les enjeux de la communication de l’Aikido auprès du grand public.

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Dans un troisième chapitre, nous nous sommes intéressés à ce qui composait l’esprit de l’Aïkido et les valeurs qu’il véhicule, à la fois sur et en dehors du tatami.

Dans un quatrième chapitre, nous avons abordé le débat qui oppose professionnalisation et bénévolat dans le monde de l’Aïkido.

Dans ce cinquième chapitre, nous analysons la question de la sous-représentation des femmes dans l’Aïkido. Nous explorons les raisons pour lesquelles elles sont moins nombreuses parmi les pratiquants, les enseignants et les hautes gradées, ainsi que les mesures qui pourraient être mises en place pour pallier cette inégalité. Nous aborderons également la notion d’un éventuel “Aïkido féminin” et la question du sexisme ordinaire sur les tatamis

 

Si on regarde les choses statistiquement, on trouve moins de licenciées femmes, moins de haut gradées, moins d’enseignantes, et encore moins de femmes gérant leur propre dojo. Par conséquent, les femmes sont moins visibles. Qu’est-ce qui pourrait palier cette inégalité homme/femme sur les tatamis ?

Yéza Lucas : Il y a deux manières de « traiter » le problème. 

 

On peut prendre la situation en l’état : oui, aujourd’hui peu de femmes représentent l’Aikido en France. Est-ce que les choses peuvent changer ? Concrètement oui, c’est une question de regard et de volonté.

 

On n’est pas obligé, lors des stages techniques, de faire uniquement intervenir des hauts gradés. 

 

C’est ce qui se passe à la Réunion où des jeunes, et des femmes animent des stages en étant premier dan, deuxième dan,  troisième dan …

 

Par ailleurs,  certains techniciens (ou techniciennes) ont parfois une double casquette d’Aikidoka couplée avec un autre métier qui pourra apporter des richesses à leur enseignement. Prenons par exemple le cas d’Aline Bernon, 4e dan, qui a été animatrice lors de la dernière Université d’été de la FFAAA. Sa casquette de psychologue clinicienne apporte un autre regard et une richesse sur la pratique.

Cette volonté soulève une question : que doit apporter un stage aux participants ? de la technique, certes, mais n’oublions pas la pédagogie et la capacité de transmission de l’animateur. Le technicien est d’ailleurs animateur et se doit de proposer une animation « vivante ». La qualité d’animation est d’ailleurs l’une des trois épreuves du brevet fédéral.

 

Dans ce contexte, il est tout à fait possible de faire animer et intervenir des techniciennes moins gradées et de leur donner de la visibilité lors des stages ou autres évènements pour l’Aikido.

 

Maintenant, sur le fond et l’origine du problème, il est pour moi lié à une certaine éducation des femmes dans notre société. Sans rentrer dans les généralités ou les clichés, l’ambition féminine est souvent moins visible et affirmée car on n’apprend pas aux femmes à « en vouloir », il arrive qu’elles s’auto-plafonnent.

 

Il n’y a qu’à voir sur les tatamis : je ne compte pas le nombre de fois où je me suis faite corriger par des hommes moins gradés, alors que des femmes parfois plus compétentes, n’osaient pas prendre la parole et corriger leur partenaire.

 

Mais pour revenir au fond du problème, l’Aïkido peut donner une place plus importante aux femmes et contribuer à renforcer leur développement technique, en les accompagnant dès le départ, et cela passe par le discours, par la communication, mais également par un soutien au quotidien de leurs enseignants, au sein des clubs.

 

Stéphane Ethève : 

La question de l’inégalité entre hommes et femmes sur les tatamis est complexe et mérite d’être abordée sous différents angles. Selon moi, il semble indéniable que les femmes sont moins nombreuses que les hommes dans la pratique de l’Aïkido, bien que cela puisse varier en fonction des régions et des clubs. Personnellement, au sein du club de Saint-Pierre, j’ai remarqué une belle progression de la présence féminine, et il arrive même que les femmes soient plus nombreuses que les hommes certains jours. Cela reflète, à mon avis, une bonne santé du club et un environnement inclusif.

Ce qui est certain, c’est qu’il y a moins de femmes haut gradées que d’hommes. Les résultats des derniers grades de haut niveau délivrés par la CSDGE montrent des chiffres qui pour moi sont alarmants : pour le 5e dan, il n’y a que 2 femmes sur 22 candidats, et pour le 5e dan sur dossier, seulement 5 femmes sur 43. Pour le 6e dan, il n’y a que 2 femmes sur 18, et pour le 7e dan, aucune femme n’a candidaté, contre 1 homme. Par ailleurs, il y a une seule femme au CTN de la FFAAA, ce qui signifie que les ligues ne proposent pas de femmes en tant que DFR.  Ces chiffres sont révélateurs d’un déséquilibre significatif qui, compte tenu de la nature même de l’Aïkido — un art martial fondé sur des principes d’harmonie, de respect et d’inclusivité — ne devrait pas exister. Ce manque de représentation féminine à des postes clés, peut contribuer à une perception de la discipline Aïkido comme étant un milieu masculin. 

Par ailleurs, il est possible que dans les dojos, certaines attitudes de la part de certains enseignants ou pratiquants puissent décourager les femmes. Par exemple, des comportements non intentionnels, comme un manque de conscience des différences anatomiques, peuvent rendre l’expérience de certaines femmes sur les tatamis désagréable. Dans des techniques comme l’Ikkyo par exemple, les hommes doivent prendre conscience que les femmes ont des seins, et des gestes inappropriés, même s’ils ne sont pas intentionnels, peuvent être douloureux ou gênants.

L’aspect des comportements sur les tatamis mérite selon moi une attention particulière, car il peut jouer un rôle significatif dans l’inclusivité de l’Aïkido pour les femmes. 

Les différences anatomiques entre les hommes et les femmes ne devraient pas être négligées sur le tatami. Par exemple, lors de la pratique de techniques comme l’Ikkyo, les hommes, en particulier lorsqu’ils immobilisent une partenaire, doivent être conscients de la position de leur corps. En rapprochant le genou de l’aisselle d’une femme, cela peut créer un inconfort notable, voire une douleur. Ce genre de manque de conscience peut rendre l’expérience de la pratique désagréable pour les femmes, les amenant potentiellement à se retirer.

L’Aïkido étant un art martial de contact, il nécessite une proximité physique qui peut être perçue différemment par les femmes. Certaines peuvent être plus sensibles au contact rapproché, ce qui peut rendre la pratique inconfortable pour elles. En d’autres arts martiaux comme le judo, le contact est souvent plus structuré et encadré par des catégories de poids et de sexe, ce qui réduit les appréhensions. En revanche, l’Aïkido, qui ne dispose pas de ces catégories, pourrait être perçu comme intimidant par certaines femmes.

Il est également essentiel de considérer les comportements des partenaires d’entraînement. Parfois, les hommes peuvent avoir des attitudes qui, même si elles ne sont pas intentionnellement malveillantes, peuvent être perçues comme viriles ou dominantes. Cela peut inclure des gestes brusques, des immobilisations trop fermes ou une certaine agressivité dans l’approche technique. Ces comportements peuvent décourager les femmes de pratiquer, surtout si elles se sentent moins en sécurité ou à l’aise.

Il me semble crucial que les enseignants et les pratiquants prennent le temps d’expliquer les principes de respect et de sécurité dans la pratique de l’Aïkido. Cela pourrait inclure des formations sur la communication non verbale, la manière d’aborder le contact physique et la compréhension des limites personnelles. Par ailleurs, des discussions ouvertes sur ces sujets peuvent contribuer à créer un environnement plus inclusif et respectueux.

Encourager les hommes à adopter des comportements plus attentifs et respectueux sur le tatami peut faire une réelle différence. Je ne sais pas s’il faudrait aller jusqu’à la mise en place d’ateliers de sensibilisation ou de séances d’échanges. Pourquoi pas si cela peut aider à construire une culture où chacun se sent respecté et valorisé, indépendamment de son genre.

Au final, je pense qu’il est essentiel d’établir une communication ouverte entre pratiquants, qu’ils soient hommes ou femmes. Les femmes doivent se sentir libres d’exprimer leurs préoccupations ou leurs inconforts, et les hommes doivent être réceptifs à ces retours. Ce dialogue pourrait non seulement aider à réduire les malentendus, mais aussi renforcer la camaraderie sur les tatamis. J’en suis convaincu.

Pour pallier cette inégalité, je crois qu’il est crucial de mieux communiquer sur le fait que l’Aïkido peut parfaitement correspondre aux besoins des femmes, car il n’est pas un art martial genré. Par ailleurs, augmenter la visibilité des femmes dans la discipline, que ce soit en les faisant intervenir davantage dans les stages (nationaux, de ligue ou autres), ou en diffusant des vidéos de femmes pratiquant l’Aïkido (il y en a de plus en plus et c’est bien ainsi), pourrait encourager d’autres femmes à se joindre à nous.

Je pense qu’il est également important d’accroître la sensibilisation aux déséquilibres existants dans le milieu. Pour les postes de DFR, il pourrait être bénéfique de donner la priorité aux candidates qualifiées, à compétences égales, afin de favoriser une représentation équilibrée. En fin de compte, je suis convaincu qu’il est essentiel d’évoluer et de travailler ensemble pour créer un environnement plus inclusif et accueillant pour tous et toutes sur les tatamis.

Crédit photo : Edmond Joseph

Il serait particulièrement enrichissant de recueillir directement les témoignages des femmes pratiquantes, enseignantes (beau témoignage sur la grossesse de Marie Roche (Shoshin Dojo) et la préparation de son 3e dan à lire ici) ou même de celles qui, connaissant la discipline, hésitent à se lancer sur les tatamis. Écouter leurs expériences pourrait fournir des éclairages précieux sur les raisons pour lesquelles certaines femmes se sentent moins attirées par l’Aïkido ou sont freinées dans leur progression. Cela permettrait aussi de mieux comprendre les obstacles potentiels qu’elles rencontrent dans un dojo, qu’il s’agisse de la dynamique du groupe, du type de contact physique, ou même de leur perception de l’ambiance générale.

Certaines pratiquantes pourraient révéler des difficultés spécifiques comme des comportements involontairement inappropriés de la part des partenaires masculins, ou une gêne liée au contact rapproché dans certaines techniques. D’autres pourraient mentionner le manque de modèles féminins haut gradés dans les stages, ou la difficulté à concilier les horaires de pratique avec des obligations familiales ou professionnelles.

De mon avis, ces témoignages seraient essentiels pour identifier des pistes d’amélioration concrètes, comme repenser les horaires de cours, sensibiliser les pratiquants hommes à l’importance du respect des différences anatomiques et des limites personnelles, ou encore organiser plus d’événements dirigés par des femmes pour créer des modèles inspirants.

 

Y a-t-il un aikido “feminin” ?

Crédit photo : Ambre Bompa

 

Yéza : Sur le plan technique, je ne pense pas. La technique c’est la technique, et s’il peut y avoir des formes différentes, elles ne sont pas liées au sexe de l’individu, mais plutôt à des formes de corps, ou à des inspirations venues décolle différentes.

 

En revanche, je pense qu’il y a une présence féminine sur les tatamis qui peut changer la donne. Lorsqu’un stage où lorsqu’un cours est animée par une femme, ce n’est pas la même énergie. Ce ne sont pas des choses qui sont quantifiables, mais ce sont des choses qui se ressentent.

 

Prenons un exemple simple : en tant qu’élève, je me suis souvent retrouvé seule le soir sur l’état d’amis en présence d’hommes. La présence de femmes sur le tatami aurait créé un sentiment de sororité me permettant de me sentir moins seule. 

 

Ça ne veut pas dire que les hommes présents sont malveillants, loin de là. Mais encore une fois, c’est une question de ressenti. C’est comme si vous laissiez un enfant seul dans une pièce avec uniquement des adultes. Ou un homme, dans un événement féminin. 

 

Et sur le plan de la communication, je pense que montrer des femmes, permet d’attirer les femmes. Pourquoi ? Parce que cela permet le sentiment d’identification. Il sera intéressant de voir si les cours animés par des femmes aujourd’hui en Aikido sont majoritairement peuplés de femmes.

 

À l’Aikikai et dans quelques dojos, des cours non mixtes sont proposés. Sans chercher à juger d’initiative, on peut tout simplement observer que cela répond certainement à un besoin. Et pour en avoir parlé avec l’une des initiatrices en France, Manon Soavi, il s’agit d’un besoin de sécurité. 

 

Et ce besoin de sécurité peut concerner la sécurité physique ((violence) ou psychologique, avec des attitudes relevant du sexisme ordinaire.

 

Stéphane :

Non, pour moi, il n’y a pas d’Aïkido “féminin” comme il n’y a pas d’Aïkido “masculin” : il y a simplement l’Aïkido. La discipline elle-même ne se divise pas en catégories genrées, et je ne vois pas l’intérêt de distinguer les pratiques selon le sexe. L’Aïkido est fondamentalement une pratique universelle, accessible à tous, quel que soit le genre, l’âge ou la condition physique. C’est d’ailleurs l’un des principes fondateurs de cet art martial : s’adapter à son partenaire, harmoniser les énergies et comprendre que la force physique n’est pas l’élément clé. Cette perspective transcende les questions de genre, et c’est pourquoi je trouve difficile à comprendre que certains clubs proposent des cours exclusivement réservés aux femmes. Bien sûr, cela n’est pas interdit, et peut-être que cela peut créer un sentiment de sécurité pour les femmes ; mais pour moi, cela est un contresens et va à l’encontre de l’esprit même de l’Aïkido. La richesse de la pratique vient justement du fait que l’on travaille avec des partenaires variés, sans se soucier de leur sexe.

Cela dit, il est certain que la manière dont chaque personne comprend et s’approprie la pratique peut varier, peut-être à cause des différences anatomiques ou physiologiques. Par exemple, les hommes, du fait de leur morphologie, ont souvent tendance à s’appuyer sur leur force brute. Ils peuvent se reposer sur leur “gros bras”, comme on dit. Les femmes, en revanche, comme elles disposent généralement de moins de force physique, développent souvent une meilleure technicité et une sensibilité plus fine aux mouvements. Mais cette différence n’est pas liée à un Aïkido “féminin” ou “masculin” ; c’est simplement une variation individuelle qui peut exister d’un pratiquant à l’autre. C’est ce qui fait la beauté de cet art : tout le monde peut y trouver sa place et le pratiquer à sa manière, selon ses propres capacités.

Je dirais cependant que certaines femmes apportent une dimension supplémentaire à la pratique de l’Aïkido. Leurs mouvements sont souvent plus fluides, plus gracieux, avec une légèreté et une précision qui font parfois défaut aux hommes, trop concentrés sur l’effort physique. Ce que j’apprécie particulièrement, c’est cette capacité des femmes à incarner l’essence de l’Aïkido, qui consiste à transformer la force de l’adversaire en harmonie, sans résister frontalement. Mais, encore une fois, cela reste une question d’approche personnelle et non de genre.

En ce qui concerne l’enseignement, je pense qu’il ne faut pas confondre l’énergie et le style d’un enseignant avec son sexe. Chaque sensei a sa propre méthode, ses propres sensibilités, et c’est cette diversité qui fait la richesse de l’enseignement en Aïkido. Le genre de l’enseignant n’influence pas directement la qualité de son Aïkido. Cependant, il est vrai que les femmes enseignantes étant moins nombreuses, il peut y avoir une différence perceptible dans l’énergie d’un cours lorsqu’il est dirigé par une femme. Cela tient peut-être à leur sensibilité et à leur manière d’aborder les techniques, qui peut être plus axée sur la précision et la douceur plutôt que sur la force.

En conclusion, je ne pense pas qu’il y ait un Aïkido spécifiquement féminin ou masculin. Il y a des différences dans la manière dont chacun pratique, mais ces variations dépendent plus de la personne que de son genre. L’Aïkido est universel et adaptable, et c’est cela qui en fait un art martial si particulier. Plutôt que de chercher à créer des distinctions genrées, il me semble essentiel de valoriser cette diversité au sein des dojos, en encourageant tout le monde à pratiquer ensemble pour s’enrichir mutuellement.

 

Le sexisme ordinaire existe-il en aïkido ?

Yéza : Tout à fait. Mais pas plus que dans d’autres sports. 

 

Ça passe parfois par la taille des vestiaires, plus petits (j’ai déjà vu un vestiaire féminin bricolé de toute pièce) ou l’absence de poubelles dans les toilettes par exemple.

 

Ça passe par les corrections paternalistes pendant les cours, ou un manque d’adaptation de la puissance du partenaire, devant un plus petit gabarit.

 

Ça peut être un oubli de mentionner les femmes lorsqu’on s’adresse à l’ensemble des pratiquants pendant un stage (j’ai déjà vu ça).

 

Si on va plus loin, on pourrait aussi systématiquement concevoir des keikogis, adaptés, avec un petit nœud pour fermer la veste sur les modèles féminins (comme ça existe déjà chez certaines marques).

 

Et sur ce sujet, on pourrait mettre en avant des modèles féminins pour la vente d’accessoires d’Aikido (Keikogi, sac, zoris, tee-shirts …).

 

Stéphane : 

Je pense également qu’il est difficile de nier l’existence d’un certain sexisme ordinaire en Aïkido, même si cela peut être subtil. Ce n’est pas la discipline en elle-même qui est en cause, car l’Aïkido prône des valeurs de respect mutuel et d’égalité entre les pratiquants. Mais dans la réalité des tatamis, certaines attitudes ou comportements, conscients ou inconscients, peuvent créer un déséquilibre entre hommes et femmes.

Pour commencer, il n’y a aucune règle dans l’Aïkido qui devrait différencier les hommes des femmes. En principe, tout le monde s’adapte à son partenaire, peu importe sa force ou son gabarit. C’est même l’un des fondements de notre pratique. Pourtant, je vois parfois des comportements paternalistes dans certains dojos, où les femmes sont traitées comme étant plus fragiles ou moins capables. Combien de fois ai-je entendu des remarques du genre : « Fais attention, elle est plus petite » ou « doucement, c’est une femme » ? Je suis certain que ces remarques ne sont pas mal intentionnées, mais elles renforcent cette idée que les femmes ont besoin d’une forme de traitement particulier, comme si elles étaient moins à l’aise avec la pratique technique.

Un autre point que j’ai remarqué concerne la force physique. En Aïkido, on dit que ce n’est pas la force brute qui compte, mais l’efficacité de la technique. Pourtant, il y a des pratiquants qui ne peuvent s’empêcher d’utiliser leur force, et cela se fait souvent au détriment des femmes. Par exemple, lors des techniques, certains hommes vont volontairement “résister” davantage lorsqu’ils sont avec une femme, ou tester leur technique en imposant plus de force qu’ils ne le feraient avec un homme. Cela crée un rapport déséquilibré où, même si la femme maîtrise parfaitement la technique, elle peut être perçue comme “moins forte” simplement parce qu’elle choisit d’appliquer l’Aïkido de manière plus technique, et non physique. Ça, c’est un vrai problème.

Ensuite, comme nous l’avons abordé précédemment, il existe un réel déséquilibre dans la représentation des femmes aux plus hauts grades de l’Aïkido. Les derniers chiffres sont révélateurs, nous l’avons vu. Cela souligne un problème dans la manière dont les femmes sont perçues et intégrées dans les sphères décisionnelles et techniques de l’Aïkido, alors que, fondamentalement, il n’y a aucune raison justifiable à cette inégalité.

Nous avons également parlé juste avant, de ces petites attitudes ou gestes qui peuvent rendre la pratique inconfortable pour les femmes, comme la proximité physique dans certaines techniques. Je pense aussi que le sexisme peut se manifester par ce genre de gestes ou attitudes déplacées.

Et puis, il y a aussi des aspects plus matériels, comme les tenues ou les produits dérivés d’Aïkido. Quand on regarde les équipements disponibles effectivement (casquettes, sacs, tee-shirts, polos …) on voit bien que tout est souvent pensé pour les hommes. Les tailles, les coupes, et même les designs sont rarement adaptés aux femmes. C’est un détail, mais c’est révélateur du fait que l’on ne pense pas assez à elles. Même dans les aspects les plus basiques comme les keikogi, les femmes doivent souvent s’adapter à des vêtements conçus pour des morphologies masculines. Pour l’anecdote d’ailleurs, j’en discutais il n’y a pas si  ongtemps avec une de nos pratiquantes au club.  Cela renforce cette impression que l’Aïkido, dans certains endroits, reste un espace où les hommes sont plus visibles et plus pris en compte.

Donc, pour moi, ce n’est pas un problème d’Aïkido en tant qu’art martial, mais plutôt un problème de culture autour de la pratique. Il y a des ajustements à faire, que ce soit dans les comportements sur le tatami ou dans la manière dont on considère la présence et la place des femmes dans notre discipline.

Encore une fois, Je pense qu’il est essentiel d’encourager davantage de témoignages de pratiquantes pour mettre en lumière leurs expériences au sein de l’Aïkido. Actuellement, il y a malheureusement un manque de voix féminines qui partagent leurs histoires et les défis qu’elles rencontrent. Je ne sais pas ce qui pourrait-être fait pour lutter contre le sexisme en Aïkido. Il y a certainement des actions que l’on pourrait mener comme la mise en place de forum de discussion ou encourager davantage de femmes à devenir enseignantes afin d’inspirer d’autres femmes à s’impliquer ou encore travailler avec des fournisseurs pour développer des tenues et équipements d’Aïkido plus adaptés aux femmes. Je ne sais pas ; il y a certainement plein de choses à faire, mais je pense que les meilleures idées pourraient probablement venir des femmes elles-mêmes.

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