La professionnalisation de l’aikido est un voie possible pour beaucoup de pratiquants aguerris. Pour autant, l’expérience du tatami n’est pas suffisante pour devenir un bon professionnel. En effet, au delà de la pratique régulière, le professionnel devra consolider son expertise via d’autres compétences. Parmi celles-ci, l’enseignement et la maîtrise de la pédagogie, mais également des outils de marketing et communication pour développer un club ou obtenir des sources de revenus. En 2024, un professionnel est un pratiquant multicasquettes. Alors comment monter en compétences et maitriser l’ensemble des paramètres pour devenir un bon professionnel  ? Voici quelques éléments de réflexion dans cet article !

Ce n’est pas le plus gradé qui sera le meilleur professionnel

Depuis que j’ai commencé l’aikido, j’ai eu l’occasion de pratiquer avec un certain nombre de 4e dan. Aujourd’hui, je constate qu’à grade égal, de grandes différences caractérisent ces ceintures noires.

Je vous partage donc le fruit de ma réflexion.

Les 4e dan se distinguent par leur niveau de pratique : c’est la distinction entre le grade et le niveau. Plus on pratique depuis longtemps (et régulièrement), plus le niveau augmente. Ainsi, deux aikidokas du même grade n’auront pas toujours le même niveau technique. Le constat peut paraître évident, mais le rappel est toujours utile.

Les 4e dan se distinguent par la diversité de leur parcours : un gradé qui s’entraîne dans le même dojo depuis 15 ans aura une expérience singulièrement différente d’un gradé qui a découvert d’autres types pratiques, et s’est régulièrement confronté à des pratiquants qui ne lui étaient pas familiers. L’adaptation est une capacité très importante en aikido, dont la pratique doit être accessible à tout gabarit, condition physique, niveau et sexe.

Les 4e dan se distinguent par leur capacité à enseigner : l’enseignement en aikido est possible dès l’obtention du 1er dan. Certains gradés choisissent rapidement cette vocation, pour le plaisir de la transmission et/ou l’envie de fonder leur propre club. D’autres préfèrent pratiquer sans cette fibre pédagogique. Si la capacité à enseigner est décorrelée du niveau technique, le travail d’enseignement invite les gradés à décomposer, vulgariser et adapter une pratique à un public hétérogène. Cette capacité d’adaptation est une valeur ajoutée.

Les 4e dan se distinguent par leurs capacités physiques : à grade égal, chaque pratiquant est différent. Leur âge, leur état d’esprit, leur condition physique, leur agilité et leur puissance en font des pratiquants singuliers. Un pratiquant grand et lourd ne pratiquera pas de la même manière en suwari waza qu’un pratiquant léger. Certaines techniques amèneront ces gradés à trouver des variations et adaptations en fonction de leur gabarit et de leurs capacités physiques. L’important étant de toujours rester conscient de ses zones de confort, mais également de faiblesse.

Chaque aikidoka est singulier, et son grade n’est qu’une manière parmi d’autres d’homologuer les pratiquants. Le niveau technique est certes important, mais les gradés (comme les non gradés), ne sont pas des clones pour autant. La diversité des parcours des pratiquants leur permet ainsi de construire un aikido qui leur est propre au regard de leur sensibilité, de leur histoire et de leurs différences physiques et cognitives.

Humilité, communication et professionnalisation : un difficile équilibre 

Il y a quelques semaines, j’échangeais avec un aikidoka investi professionnellement dans le développement de l’aikido pour les jeunes de sa région. Seulement, il n’osait pas valoriser son travail auprès de potentiels employeurs, et par conséquent, ne pouvait capitaliser sur cette expérience.

Sur le ton d’une boutade, je lui ai dit qu’il avait merveilleusement bien intégré cette vision japonisante de l’humilité.

Mais derrière chaque plaisanterie réside un fond de vérité.

L’humilité est une qualité à condition qu’elle ne nous ôte pas de nos mérites !

🔹 Lorsqu’on progresse dans sa pratique, ce n’est pas uniquement grâce au professeur, c’est grâce à un travail personnel d’apprentissage et de rigueur. C’est pourquoi je n’arrive pas à adhérer au culte voué à la figure du “maître”.

🔹 Lorsqu’on décide de publier des articles de blog, ou de faire part de ses réflexions sur la discipline, il est intéressant de se montrer pour permettre à ses lecteurs d’identifier l’auteur de ces contenus. Ce dévoilement inspire confiance et favorise la transparence.

🔹 Lorsqu’on cherche à faire valoir son expertise en aikido, notamment dans le montage de projets, il est important d’avoir un espace (ou document) où mettre en valeur ces différents projets : LinkedIn, blog, chaine youtube…comment inspirer confiance si votre expertise reste secrète ?

Se mettre en avant ne veut pas dire s’afficher de manière outrancière.
Se mettre en avant n’est pas un passage obligé.

Mais pour faire un clin d’œil à cet aikidoka dont je vous parlais plus haut, cette humilité japonisante pourrait court-circuiter le développement d’une qualité chère à la discipline : la confiance en soi.

Démonstration : être le meilleur technicien n’est ni indispensable ni suffisant

Les démonstrations sont une porte par laquelle le grand public peut découvrir l’aikido.

Ces événements comprennent de grands enjeux pour la discipline car ils doivent, en quelques minutes, donner un aperçu global de son potentiel.
En sommes, une démonstration est la projection de ce qu’un pratiquant pourrait arriver à faire avec un niveau avancé.

C’est pourquoi, il est indispensable d’avoir un regard de néophyte lorsqu’on prépare une démonstration. Il faut en effet garder en tête que le grand public ne connait pas les techniques balayées, il n’est pas en recherche de la perfection du geste et son regard de spectateur ne lui permet pas de voir la différence entre un deuxième et quatrième dan.

Dans ce cadre, il n’est pas nécessaire d’être le meilleur technicien pour promouvoir l’aikido.

Les techniciens seront en revanche attendus sur :

leur charisme, à travers des postures martiales et affirmées

– leur dynamisme et leur réactivité

leur complicité avec leur partenaire pour obtenir une belle fluidité

la diversité des pratiques qu’offre la discipline (armes, mains nues, travail en suwari, hanmi handachi et tachi waza)

Vous voyez Kote Gaeshi avec une entrée Yokomen ?
Le grand public voit un pratiquant voler en un claquement de doigt

Pour aller plus loin, je dirais même que le meilleur aikidoka dans le cadre d’une démonstration, sera celui qui saura amener le grand public à découvrir la démonstration.

Il n’échappe à personne que l’aikido manque cruellement de visibilité médiatique aujourd’hui. Par conséquent, lorsque les pratiquants usent de leur image personnelle et de leurs propres canaux de communication pour attirer un nouveau public, ils rendent un grand service à la discipline.

Il y a 30 ans, lorsque l’aikido connaissait son âge d’or et que Christian Tissier était invité sur les plateaux TV, il participait à la promotion de la discipline.

Aujourd’hui, Léo Tamaki ou Coralie Camilli, à travers leurs écrits, leur image personnelle mais également les passerelles qu’ils tissent avec d’autres disciplines martiales, développent une visibilité personnelle mais également utile à l’aikido.

Sont-ils les meilleurs techniciens ?

Ce n’est pas la question. Il faut simplement être meilleur que le public à qui l’on démontre ou enseigne.

Dans un cours d’aikido, un 1er dan pourra largement enseigner à un 4e kyu.
Dans une démonstration, un 2e dan pourra largement toucher un néophyte.

Il est donc essentiel de toujours avoir en tête les objectifs, derrière une action entreprise : dans le cadre d’une démonstration, il s’agit d’emporter l’adhésion du grand public. C’est pourquoi, on n’attend pas d’un aikidoka qu’il soit le meilleur technicien, mais qu’il sache transmettre l’envie de franchir la porte d’un dojo.

Si la communication ne fait pas partie des prérogatives des professionnels en aikido, elle pourrait le devenir, de manière à ce que chaque technicien qui assure un rôle de représentation en démonstration, puisse servir la visibilité de la discipline.

Conclusion 

La professionnalisation des aikidokas implique une maîtrise de compétences diverses qui dépassent le simple niveau technique. La pédagogie, la communication, la mise en scène, ainsi que la réflexion sur la discipline sont des compétences complémentaires à maîtriser. A l’heure où la première promotion de 4e dan s’apprête à passer son examen d’admission au 5e dan, la technique devient officiellement une composante parmi d’autres dans la démarche de professionnalisation.

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