J’ai eu le plaisir d’interviewer Micheline Vaillant Tissier, 7ème Dan d’Aikido. Micheline a débuté l’Aikido au Japon à 15 ans, au Hombu dojo. En 2007, elle est l’une des rares femmes à occuper une fonction technique au sein d’une fédération d’Aikido, et est aujourd’hui un modèle féminin en matière professionnalisation de l’Aikido. Dans cette interview, Micheline partage son expérience inspirante de femme aikidokate ainsi que ses conseils pour attirer un public plus jeune et féminin dans un art martial vieillissant et majoritairement masculin. Bonne lecture.

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Parcours et professionnalisation de l’Aïkido 

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– Si l’on devait retenir les points principaux de votre parcours, qu’aimeriez-vous que l’on retienne ?

J’ai ouvert l’Aïkido aux femmes ou plus précisément, j’ai permis aux femmes d’accéder aux fonctions fédérales ainsi qu’au professionnalisme.

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– Vous avez développé une carrière internationale en Aïkido. Si vous vous lanciez comme professionnelle de l’Aïkido aujourd’hui, comment trouveriez-vous des élèves pour vos cours ?

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On ne trouve pas des élèves, les élèves viennent à vous si techniquement et pédagogiquement ce que vous enseignez est valable. 

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– De manière générale, quels conseils donneriez-vous à un enseignant pour vivre de son activité de professeur d’Aïkido ?

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L’Aïkido comme chacun le sait est un travail de longue haleine, pour être un bon professionnel, il faut pratiquer des milliers d’heures sans s’épargner et tous les très bons sont passés par là. Pour devenir professionnel, il faut beaucoup de temps et faire ses preuves à chaque stage. Si la pédagogie est bonne, la publicité se fait d’elle-même.

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Les femmes et l’Aïkido

– Vous êtes l’une des figures féminines les plus emblématiques de l’Aïkido. Pourtant les femmes restent minoritaires sur les tatamis et dans les responsabilités fédérales : une seule femme au Collège Technique, 5 présidentes de Ligue et peu de Haut gradées…dans ce contexte, pensez-vous qu’il soit pertinent de mettre en place une communication spécifique pour ce public ? Si oui, de quelle manière ? Et si non, pourquoi ?

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Il faut dire que nous partons de loin, les arts martiaux étaient essentiellement masculins et en Aïkido contrairement au Karaté et au Judo il n’y a pas de compétition, donc pas de championnes reconnues, une difficulté supplémentaire à se faire admettre.

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J’ai été parmi les pionnières, car à l’époque, des présidents de ligue ont demandé mon entrée dans le collège technique afin de m’inviter en stage. Avec ce départ (pour les femmes plutôt difficile), il est donc normal que le pourcentage de femmes soit minoritaire aujourd’hui.

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Mais oui effectivement, faire connaître l’Aïkido au féminin est indispensable. Comme cela se fait déjà avec des affiches représentant des femmes, avec des démonstrations faites par des femmes, et par tous les moyens mis à disposition pour la promotion de l’Aïkido en général.

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– Au Hombu dojo, des cours non mixtes sont proposés aux femmes : savez-vous pourquoi ? Que pensez-vous de cette initiative ?

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Sincèrement je n’en ai aucune idée. Il est possible que certaines femmes l’aient demandé car peut-être que le rapport de force ne leur convenait pas.

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– Vous avez commencé l’Aïkido au Japon, puis poursuivi votre carrière en France. En tant que femme, le plafond de verre est-il plus solide au Japon ou en France au niveau de l’Aikido ?

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Au Hombu dojo, je n’ai jamais senti cet écart hommes/femmes. Le Doshu prenait des femmes comme Uke au même titre que les hommes, moins souvent évidemment, car elles étaient moins nombreuses pour les mêmes raisons qu’en France. Toutefois, jamais aucun comportement ne m’a fait ressentir une quelconque différence dans la pratique, seul le niveau technique était palpable. Cependant le côté macho des Japonais s’est toujours effacé devant la technique. Au Japon, le plus gradé commence et évidemment étant femme, blonde, je n’avais aucune chance. Mais après dix minutes de pratique, Il est souvent arrivé que mon partenaire s’arrête, me salue et m’attaque à nouveau, juste pour se faire pardonner de m’avoir sous-estimé. En France on y arrive doucement. 

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Les jeunes et l’Aïkido 

– Un autre public est également moins présent sur les tatamis : les jeunes (15-25 ans). Quel aspect de l’Aïkido pourrait le rendre attractif auprès de ce jeune public ?

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Certainement des professeurs plus jeunes auxquels ils pourraient s’identifier plus facilement. Mais cela reste difficile car l’Aïkido est plutôt vieillissant et moi-même j’ai tout à fait conscience que je ne suis plus jeune, mais j’essaie de leur montrer des modèles en laissant des jeunes exécuter la technique au milieu. Où en prenant des jeunes pour les démonstrations. En revanche tous les jeunes n’aiment pas forcément se mesurer entre eux, et le fait qu’il n’y ait pas de compétition peut être un plus pour les attirer. Une communication pourrait être faite en ce sens.

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– Afin d’attirer ce nouveau public sur les tatamis, il est important de les faire transpirer, avez-vous affirmé lors d’une interview pour Aïkido Aviron Bayonnais en 2022 : l’Aïkido est-il un sport selon vous ?

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La question portait sur les débutants en général. Quand un nouveau arrive dans votre dojo, il ne connaît pas l’Aïkido, son envie première et de faire une activité physique, de bouger et bien sur de transpirer. Il faut donc lui donner ce qu’il est venu chercher. Si quand il termine son cours,  il a la sensation d’avoir effectué un exercice physique et en même temps d’avoir découvert beaucoup de chose, il sera présent le cours suivant. Ce n’est que bien plus tard qu’il comprendra que l’Aïkido est un art. Notre art est très difficile dans les débuts ne l’oublions pas.

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– En tant qu’enseignant, le lien de proximité avec ses élèves est essentiel pour garder ses jeunes sur les tatamis, avez-vous dit dans cette même interview.  L’enseignant doit donc avoir une double casquette de professeur d’Aïkido (sur les tatamis) mais également de référent (hors du tatami) ? Est-ce la même chose pour les adultes ?  

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Oui bien sûr, la convivialité et l’ambiance qui règne dans un dojo on la doit en premier lieu au professeur, il doit rester le même, qu’il soit sur ou en dehors du tatami.

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– Pour toucher les jeunes, on peut aller vers eux. L’Aïkido en milieu scolaire existe mais demeure peu développé. Pourquoi selon vous ? 

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Je pense que ce travail dans les écoles est très difficile et peu valorisant pour celui qui le fait, même si celui que le fait est très méritant de l’entreprendre. Donc peu de professeurs se dirigent dans cette voie difficile qui demande d’être professionnel, ou bien d’avoir beaucoup de temps libre.

Aïkido et communication 

RMC Sport Combat

– De manière générale, que pensez-vous de la communication réalisée en France pour faire connaître l’Aïkido auprès du grand public ? Que proposeriez-vous pour l’améliorer ?

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Je n’ai pas de recette miracle, la publicité qui est proposée est très bien, nous ne sommes pas médiatisés car nous n’avons pas de compétition, mais cela est aussi notre point fort.

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Effectivement nous ne sommes pas « à la mode », contrairement aux arts martiaux  de self défense, dite “efficace“. Les personnes qui n’ont jamais pratiqué d’arts martiaux ne se rendent pas compte que l’apprentissage est aussi long et difficile quel que soit l’activité envisagée.

– Toujours dans cette même interview, vous aviez affirmé que l’Aïkido reviendrait à la mode en suivant un courant « bien-être » (vie plus saine, intérêt pour le bio…) présent dans notre société, pourquoi cela ?

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Effectivement en suivant le courant « bien-être », mais aussi éducatif nous reviendrons « à la mode », car l’Aïkido est un système d’éducation par excellence ! Et je pense que notre société à bien besoin de cela en ce moment.

 

 

Merci Micheline !

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Prochain stage de Micheline Tissier à Puget sur Argent :

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