Depuis que je pratique l’aïkido, il m’est arrivée d’être frustrée de recevoir des conseils que je ne pouvais pas actionner à mon niveau : le relâchement de mes épaules, l’utilisation de mes hanches, la rigidité de mes bras…
Ces conseils étaient d’autant plus frustrants que je les entendais bien sans pour autant pouvoir les intégrer dans ma pratique. Dans ce contexte, il serait intéressant, sur un plan pédagogique, de “doser” les conseils et de les adapter au niveau et au gabarit des pratiquants pour limiter la frustration de ces derniers tout en leur permettant de prendre conscience de leurs avancées vers “la voie”.
Voici donc une réflexion personnelle sur l’adaptation pédagogique et chronologique des conseils donnés aux pratiquants.
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1/ Les bases propres à tous les débutants : 

Parmi les axes de développement sur lesquels peuvent travailler les débutants, on retrouve des bases solides :

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Les déplacements (parce ce qu’on ne marche pas, on se déplace) 

Les déplacements en aikido sont des mouvements spécifiques qui n’ont rien avoir avec la marche. Les petits pas, et le “piétinage” sont à proscrire, et ce dès le début, pour adopter les bons réflexes par la suite.
On retient donc les déplacements principaux :
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– Ayumi Hashi (un pas en avant, bas sur les appuis)
– Tsugiashi (pas glissé en avant)
– Tenkan (pivot, puis pas en arrière)
– Tai Sabaki (irimi* tenkan)
– Henka (changement de direction des pieds sur place)
– Shiko (les déplacements en suwari waza)
* irimi : notion d’aller vers l’avant, peu importe le type de déplacement
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Les chutes (pour lever les appréhensions) 

Les chutes font partie de l’apprentissage de base du débutant pour lui permettre de bien se réceptionner en cas d’attaque mais surtout, de rebondir. Ces chutes permettent ainsi au débutant de lever ses appréhensions liées à la pratique.
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Parmi les chutes proposées aux débutants, on peut noter :
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– Mae Ukemi : les chutes avant (d’abord à partir du sol, puis en partant d’une position debout)
– Ushiro Ukemi : les chutes arrière, avec une jambe derrière les fesses
– Roll Ushiro Ukemi : les chutes arrière roulées pour rebondir après une attaque
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Il existe d’autres chutes telles que la chute pontée (tampon-buvard) qui permet de se réceptionner suite à des immobilisations de base (Ikkyo notamment), mais implique un certain travail de gainage.
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Un peu plus tard, certains enseignants apprennent aux débutants plus aguerris les chutes enlevées/claquées, qui ne sont pas obligatoires pour bien pratiquer, mais qui peuvent motiver les plus téméraires de par leur aspect spectaculaire.
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Le vocabulaire (pour savoir de quoi on parle)

Pour ne pas se retrouver dans une autre dimension, il est important de réaliser un travail de mémorisation des techniques de base, des déplacements et des uses et coutumes du dojo…en japonais.
Les sonorités sont certes proches, mais ce travail est essentiel pour ne pas se sentir démuni dans le suivi des cours au quotidien.
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Mon conseil : 
– Apprenez le nom des techniques nécessaires à votre prochain passage de grade
– Apprenez le nom des déplacements et des postures
– Apprenez les formules de politesse
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Le Shisei (la posture et le respect sur le tatami)

Le shisei, c’est un respect de l’étiquette et des conventions propres à la discipline, qui est enseigné aux débutants pour les familiariser aux codes du dojo :
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– Le salut et les formules de politesse en début et fin de cours (onegaeshimas, domo arigato gosaimshta)
– Les règles pour s’assoir, entrer ou sortir du tatami (le salut au fondateur)
– Les règles sur le tatami (ne pas “trop” parler, ne pas manger ou boire)
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Ces postures doivent être intégrés dès le début de la pratique de l’aikido et seront perpétuées pour tout le reste de votre vie de budo.
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Les enseignements et apprentissages que le temps permet de développer 

Si certains conseils sont actionnables chez les débutants, d’autres demandent plus d’années d’expérience pour être intégrés :

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La “détente” et les formes de corps associées 

“Détends-toi”, “relâche”…ces conseils qu’on dispense (de bonne volonté certes) aux débutants, ne peuvent être appliqués dès les premières années. Pourquoi ?
Parce que le corps n’est pas encore familier avec une pratique qui lui demande de relâcher ce qu’il a toujours tendu. Ces tensions sont d’autant plus accentuées par les appréhensions du débutant.
Avec les années, les muscles se relâchent et de nouvelles formes de corps deviennent possibles.
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L’usage des hanches pour remplacer la force des bras 

Les débutants passent les techniques en force car ils n’arrivent pas à actionner toutes les ressources que leur corps leur permet. Parmi elles, le niveau technique, mais surtout l’usage des hanches et du centrage, qui deviendra le moteur du corps avec les années.
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C’est dans ce contexte que l’on répète souvent que l’aikido n’est pas une discipline qui nécessite de la force.

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Un ancrage au sol plus affirmé 

Avec les années, le corps apprend à travailler plus bas sans que cela ne devienne un effort. A l’image du skieur, l’aikidoka va fléchir les genoux pour être plus proche du sol. Cet ancrage lui confère puissance et stabilité.
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En position suwari waza (à genoux), l’aikidoka va apprendre à conserver cette stabilité grâce à un équilibre des appuis (regroupement des genoux pour pivoter sans se déséquilibrer), transfert de poids maitrisé et ancrage des pieds pour éviter de se laisser déséquilibrer par le haut du corps).
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La martialité (une posture renforcée) 

Avec les années, l’aikidoka prend conscience du sens et de l’essence du budo, et agrémente sa pratique d’une certaine martialité qui se traduit par :
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– Une grande concentration (et moins de conversations)
– Une volonté réelle d’attaquer (mettre de l’intention)
– Une certaine vigilance (pour riposter à tout moment)
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Voici donc un certain nombre d’enseignements qui peuvent être donnés aux aikidokas selon leur niveau à un moment T. Pour autant, faut-il faire des cours de niveau ?
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Conclusion : pour faciliter l’apprentissage de l’aïkido, faut-il faire des cours de niveau ? 

Aujourd’hui la plupart des cours d’aikido sont ouverts à tous, tout niveau confondu. Dans certains dojos, les enseignants réservent des créneaux spécifiques aux débutants (même si les cours sont ouverts à tous) et aux gradés (à partir du 2e ou 1er kyu).
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Cette pratique basée sur la distinction de niveau comprend des avantages :
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Les pratiquants se retrouvent avec d’autres pratiquants de leur niveau, et se sentent moins découragés. De plus, ces cours de niveaux permettent à l’enseignant de proposer une pédagogie adaptée à un certain public.
Mais cette pratique distinctive comprend également des inconvénients : les pratiquants ne sont pas confrontés à une pratique hétérogène (d’âge, de niveau, de gabarit). Un débutant doit pouvoir se nourrir des correction d’un gradé, tout comme il est important pour un gradé de voir si sa technique passe avec un débutant dont les réflexes sont imprévisibles.
Cette réflexion personnelle, loin d’être exhaustive, relance le débat sur la pédagogie de l’aikido, notamment dans le but d’accompagner de nouvelles recrues jusqu’à un niveau plus aguerri, en limitant les décrochages et en maximisant le plaisir.
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