J’ai participé cette semaine au stage de Guillaume Erard, 6e dan Aikikai et Shihan, à La Réunion.

Un stage riche et particulièrement marquant par son format, alternant théorie et pratique.

Ce que j’ai vraiment apprécié, c’est cette manière de ne pas dissocier la technique de son histoire.

On ne se contente pas de reproduire des formes : on comprend d’où elles viennent, comment elles ont évolué, et ce qu’elles racontent encore aujourd’hui dans la pratique. On a presque l’impression de revivre l’histoire de l’Aïkido à travers le corps.

Un format original, qui change clairement des stages purement techniques. Au-delà du format, ce stage m’a permis d’ouvrir ma vision de la pratique en déconstruisant le formatage reçu depuis des années de pratique. Voici donc 8 apprentissages du stage de Guillaume Erard.

1. Replacer l’Aïkido dans l’héritage du Daitō Ryū

Crédit photo – Cédric Lauret  

Le stage a permis de revenir sur des formes issues du Daitō Ryū, y compris des techniques d’attaque, et pas uniquement de défense.

Guillaume s’est appuyé sur des rouleaux anciens, dans lesquels étaient retranscrites ces techniques.

Il nous a expliqué la logique de ces formes, leur contexte historique, et la manière dont elles étaient pensées à l’origine.

Ce qui était particulièrement intéressant, c’était de comprendre la différence entre ces techniques anciennes et ce qui est enseigné aujourd’hui en Aïkido : ce qui a été conservé, ce qui a été transformé, et ce qui a été volontairement laissé de côté. Cela donne une lecture beaucoup plus fine de la pratique actuelle.

2. Sortir de nos automatismes dans les formes d’attaque

Crédit photo – Cédric Lauret

Le travail sur les formes d’attaque a été très instructif.

Certaines attaques, notamment le shōmen uchi, ont été abordées à la japonaise : on attaque avec la main qui est devant, et non avec la main arrière comme c’est souvent le cas dans ma fédération.

C’est un détail en apparence, mais il oblige à sortir de nos habitudes et de notre propre formatage corporel.

C’est d’ailleurs quelque chose que j’ai moi-même constaté cette année dans les différents dojos japonais que j’ai visités.

Changer la forme de l’attaque modifie immédiatement les réflexes corporels et c’est un challenge pour se réapproprier la technique.

3. Réapprendre les ukemi dans une logique d’économie du corps

Crédit photo – Cédric Lauret

Un travail important a été consacré aux chutes, avec une approche très claire : l’objectif est avant tout de préserver son corps.

La recherche porte sur l’unité du corps et sur la capacité à accompagner la technique sans mettre inutilement les articulations en tension, notamment les bras et les épaules.

Concernant la chute enlevée, le constat est simple : elle révèle souvent un retard dans le déplacement de l’uke.

Si l’on en arrive là, c’est que l’on n’a pas pu suivre avant. Elle devient alors une solution de rattrapage, et non une manière idéale de recevoir la technique.

4. Expérimenter la pratique en suwari waza sans s’abîmer

Crédit photo – Cédric Lauret

Le travail à genoux a été abordé sous l’angle de l’économie corporelle.

Dans son cours sur les ikkyo, entièrement en suwari waza, Guillaume a montré qu’il était possible de pratiquer sans abîmer ses genoux, à condition de modifier ses déplacements.

Moins de déplacements en Kiza, et davantage de stabilité en Seiza, avec un engagement clair des appuis et du centre.

Cette approche montre que le suwari waza n’est pas une contrainte, à condition d’écouter son corps plutôt que de subir ce mode de pratique.

5. Descendre sur ses appuis et s’adapter à son uke

Crédit photo – Cédric Lauret

Un point qui m’a particulièrement marquée concerne le travail sur les appuis.

Guillaume est grand, et il descend réellement bas.

Il a expliqué qu’au Japon, lors des démonstrations, la majorité de ses uke étaient plus petits que lui. Faire venir systématiquement des uke occidentaux n’était ni viable ni cohérent à long terme. Il a donc dû adapter sa pratique et c’est ce qui la rend exemplaire sur ce point.

Ce qui rend ce travail particulièrement parlant, c’est qu’il affirme ne pas être spécialement souple. Descendre sur ses appuis est un choix technique, pas une question de morphologie.

6. Clarifier la posture de l’enseignant et l’esprit de la pratique

Crédit photo – Cédric Lauret

Guillaume a partagé sa vision de la posture de l’enseignant, et plus largement de l’esprit dans lequel la pratique se transmet.

Au-delà des affinités personnelles ou des différences que l’on peut avoir en dehors du tatami, l’Aïkido repose sur une capacité essentielle : pratiquer ensemble.

Le tatami devient un espace commun, où l’on accepte de travailler avec tous, dans un cadre respectueux.

C’est cette exigence qui fonde la qualité de la pratique et de la transmission.

7. Replacer le Reishiki et la culture japonaise comme cadre structurant

Le stage a permis de replacer certains éléments de Reishiki (l’étiquette) dans leur contexte culturel.

Des gestes simples, comme se replacer et se ranger lorsque le professeur tape dans ses mains, prennent un autre sens lorsqu’on comprend ce qu’ils structurent : l’attention, la disponibilité et le respect du cadre.

Guillaume a également partagé des anecdotes sur la patience nécessaire pour recevoir un enseignement au Japon.

Les enseignements profonds ne se livrent pas en quelques cours, mais parfois après plusieurs années de présence et de régularité.

8. Penser les grades Aikikai comme symbole de relation

Crédit photo – Cédric Lauret

Les grades Aikikai ont été abordés comme des symboles de la relation entre un enseignant et son élève.

Ils ne valident pas uniquement une compétence technique.

Ils témoignent d’un parcours partagé, d’un engagement dans la durée, et d’un lien de confiance construit au fil du temps.

Cette lecture confère aux grades une autre place, loin d’une simple logique de performance.

Conclusion

Le stage de Guillaume Erard  m’a rappelé à quel point les stages occupent une place particulière dans un parcours de pratiquant.

Ils permettent d’accéder à des enseignements que l’on n’a pas toujours l’occasion de rencontrer dans la pratique quotidienne, et d’ouvrir des perspectives nouvelles sur des formes que l’on croit parfois bien connaître.

Accueillir à La Réunion un enseignant comme Guillaume Erard, avec son parcours, son regard et son expérience acquise au Japon, a été une véritable chance. Ce type d’enseignement apporte une profondeur et une cohérence qu’il est difficile de saisir autrement.

Je n’ai d’ailleurs pas toujours été une grande adepte des stages.

Mais avec les années de pratique, j’en perçois aujourd’hui pleinement l’intérêt : ces moments en dehors du cadre habituel, permettent de prendre du recul, de questionner sa pratique, et de revenir ensuite au quotidien avec un regard renouvelé.

Un grand merci à Guillaume pour la qualité de son enseignement, sa générosité et la clarté de sa transmission, ainsi qu’à celles et ceux qui ont rendu ce stage possible.

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