Depuis mes débuts en 2017, puis avec le passage de mon Brevet Fédéral en 2023, j’ai beaucoup observé la manière dont on enseigne l’Aïkido.

Avec le recul, je réalise qu’il existe des incohérences dans notre pédagogie.

Certaines pratiques perdurent par habitude, sans toujours servir la progression des élèves.

Cet article n’a pas la prétention d’apporter des réponses définitives. C’est une réflexion personnelle, née de mon expérience de pratiquante et d’enseignante. L’idée est simple : si nous voulons que l’Aïkido reste vivant et accessible, il y a une urgence pédagogique.


Enseigner l’Aïkido : l’expérience personnelle ne doit pas devenir une vérité universelle

Lorsqu’on enseigne, on transmet à travers son corps et son vécu. Un enseignant qui a souffert d’une blessure ou qui a une morphologie particulière va naturellement privilégier certaines formes. C’est légitime et humain.

Mais attention : l’expérience personnelle ne doit pas devenir une vérité universelle.

Au fil des stages, j’ai souvent constaté des discours opposés entre enseignants :

  • dans une école, on travaille bas pour renforcer l’ancrage ; ailleurs, on privilégie la mobilité avec des postures plus hautes ;
  • certains insistent pour passer par le déséquilibre avant de retrouver l’équilibre ; d’autres demandent une stabilité constante tout au long de la technique.

Ces contradictions ne sont pas des défauts : elles sont la richesse de notre discipline. L’Aïkido vit à travers des corps et des sensibilités multiples.

👉 Enseigner, c’est transmettre des clés, pas imposer des interdits.

La nuance dans nos mots fait toute la différence :

  • dire « Voici une forme que je privilégie, parce qu’elle correspond à mon gabarit », plutôt que « Il ne faut jamais faire ça ».

Cette ouverture permet à chacun de trouver sa voie sans se sentir enfermé dans une règle figée.


Pédagogie en Aïkido : et si on arrêtait l’enseignement hors-sol ?

J’ai commencé l’aïkido en 2017 et, en 2023, j’ai passé mon Brevet Fédéral.
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Avec le recul que me donne la pratique et l’enseignement, je réalise qu’il existe certaines incohérences dans la manière dont on transmet l’aïkido.
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Je vous partage ici une réflexion personnelle sur la pédagogie, et sur ce qu’il serait peut-être temps de repenser.

Tout d’abord, l’échauffement.
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La plupart du temps, il dure entre dix et quinze minutes. Généralement, l’enseignant reproduit l’échauffement qu’il a lui-même suivi, sans forcément se poser de questions. Bien sûr, il existe quelques variantes, mais l’échauffement est souvent une simple histoire de transmission.
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Or, si l’on y regarde de près, il est à la fois trop court pour réellement préparer le corps à la pratique et trop long au regard de son utilité. Trois torsions de poignets ne préviennent pas les blessures, et une minute de sauts ne prépare pas le cardio.

À mes yeux, l’échauffement devrait plutôt être pensé comme une proposition : l’enseignant pourrait montrer un éventail de mouvements, puis laisser les élèves choisir ceux qui leur sont nécessaires dans un temps limité. Ce serait plus pertinent et plus respectueux des différences de chacun.

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Ensuite, les éducatifs.
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Ces petits exercices, conçus pour travailler une partie du mouvement, sont censés préparer à la technique. Mais dans les faits, ils sont souvent déconnectés du contexte martial. Ils deviennent des gestes artificiels qui prennent du temps sur la pratique, au lieu d’aider réellement à comprendre le principe. Ce temps, à mon sens, serait plus utile si l’on travaillait directement la technique, en donnant à chaque geste une cohérence et un sens.
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Puis vient le rôle des atemis.
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En aïkido, on place certains atemis pour signifier à son partenaire qu’il doit se replacer, ou pour le mettre dans un état de vigilance. Pourtant, bien souvent, l’atemis est traité comme un signe chorégraphié, intégré mécaniquement à la technique.

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Cela ne veut pas dire qu’il faut réellement porter atteinte à l’intégrité de son adversaire. Mais il me semble essentiel que l’atemis serve à faire prendre conscience d’un mauvais placement, quitte à en rajouter parfois, même s’ils ne font pas partie de la forme. C’est cela qui permet de comprendre pourquoi on adopte tel déplacement ou tel positionnement.

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Il m’est arrivé de nombreuses fois – et je ne suis pas la seule à l’avoir observé – de réaliser des techniques de manière mécanique, sans réellement saisir le « pourquoi » de chaque geste. Les atemis pourraient justement redonner du sens et replacer la pratique dans une cohérence martiale.

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Enfin, il y a la question de la forme imposée.
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L’aïkido est riche de principes, mais trop souvent nous nous obstinons à transmettre une forme précise, même lorsqu’elle ne convient pas à certains gabarits ou morphologies. J’ai pu l’observer à plusieurs reprises, notamment lors des passages de grade : il existe comme un « lobby » de certaines formes, considéré comme incontournable.
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Pour moi, c’est une absurdité. Du moment que le principe technique est respecté, connaître différentes variantes de forme est une richesse pour la pratique. Mais imposer une forme unique n’a pas de sens, surtout si elle se révèle moins efficace qu’une autre pour un type de corps ou une morphologie donnée.

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Bien sûr, tout n’est pas à jeter dans l’enseignement.

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Je suis moi-même reconnaissante d’avoir passé mon Brevet Fédéral : il m’a permis d’acquérir des bases solides, que je n’aurais sans doute pas pu construire seule. Mais avec le recul, je vois aussi des pistes d’amélioration, et c’est cette réflexion que je souhaite partager aujourd’hui.

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On peut débattre de pédagogie par objectifs ou de pédagogie par compétences. Mais au fond, le vrai sujet est ailleurs : est-ce que nous parvenons réellement à transmettre une pratique à nos élèves ? Est-ce que nous arrivons à leur faire prendre conscience des aptitudes martiales qu’ils doivent développer, et surtout pourquoi ? Et, plus essentiel encore, est-ce que nous réussissons à leur donner envie de rester sur un tatami ?


🎶 Pratiquer l’Aïkido en musique : hérésie ou évolution ? 🥋

On imagine l’Aïkido dans un silence solennel. Pourtant, dans la réalité, il est souvent interrompu par des bavardages, de longues explications, ou des bruits parasites.

Et si la musique aidait paradoxalement à retrouver le calme ?

✨ Elle coupe court aux discussions inutiles.

✨ Elle installe un rythme qui fluidifie déplacements et échanges.

✨ Elle plonge les pratiquants dans une expérience plus sensorielle.

✨ Elle canalise l’énergie collective, douce ou dynamique selon le choix musical.

Dans d’autres disciplines, la musique a trouvé sa place :

  • en Wing Chun, j’ai assisté à un échauffement guidé par une musique calme, qui renforçait la concentration ;

  • en Jujitsu brésilien, s’entraîner avec un fond musical est courant et ne dénature en rien la pratique.

Même sur les réseaux sociaux, les vidéos d’Aïkido qui fonctionnent le mieux sont montées avec de la J-pop ou des musiques d’anime. Et là, personne ne crie à l’hérésie : au contraire, ça attire et dynamise l’image de la discipline.

Alors, pourquoi ne pas expérimenter ?

Et si, au lieu de craindre que la musique dénature l’Aïkido, on y voyait une opportunité de l’enrichir ?

Peut-être que le vrai silence ne se trouve pas dans l’absence de sons… mais dans la qualité de présence qu’ils suscitent.


🥋 Stages d’Aïkido : et si on sortait de l’expérience purement technique ?

En aïkido, la plupart des stages suivent le même schéma :

un expert montre, les pratiquants reproduisent la technique, et au bout de deux ou trois heures… qu’est-ce qu’on retient vraiment ?

Un extrait technique, rarement plus.

C’est intéressant, bien sûr. Inspirant, parfois.

Mais souvent trop court pour assimiler, trop dense pour être corrigé individuellement, et coûteux pour ce que ça apporte réellement.

Et si on imaginait d’autres formats ?

👉 Des stages hybrides, qui gardent une partie de pratique mais qui ouvrent aussi sur autre chose.

🔹 Exemples de formats de stages alternatifs

👉 Stage “Prévention des blessures & mobilité”

Travail des chutes et des placements sécurisés, complété par des exercices simples (issus de la kiné ou de la préparation physique) pour protéger genoux, épaules et dos, et pratiquer plus longtemps sans se blesser.

👉 Stage “Aïkido & gestion du stress”

Séquences techniques centrées sur le relâchement, suivies d’un module pratique pour apprendre à mieux gérer le stress et l’énergie, sur le tatami comme en dehors.

👉 Stage “Santé & nutrition du pratiquant”

Préparation physique puis atelier court sur l’alimentation autour de l’effort, l’hydratation et la récupération, pour relier la pratique martiale à une hygiène de vie durable.

👉 Stage “Aïkido & mobilité quotidienne”

Exploration des principes de déplacement et d’équilibre de l’Aïkido appliqués à des situations concrètes (porter, se relever, éviter une chute), pour montrer comment la pratique nourrit le quotidien.

Il ne s’agit là que d’exemples. Il existe quelques initiatives, mais encore timide aujourd’hui.

Ces formats hybrides ne remplaceraient pas les stages techniques, mais les compléteraient.

Ils apporteraient de la variété, de la profondeur et surtout une vraie richesse collective.

👉 La question n’est donc plus seulement « quel expert inviter ? »,

mais « quelle expérience voulons-nous offrir à nos pratiquants ? »


Conclusion

Rien n’est à jeter dans l’enseignement actuel de l’Aïkido.

Je suis reconnaissante d’avoir passé mon Brevet Fédéral : il m’a donné des bases solides. Mais avec le recul, je vois aussi des pistes d’évolution.

Échauffements, éducatifs, atemis, stages, musique, posture de l’enseignant… Ce ne sont pas des détails. Ce sont des leviers qui peuvent transformer l’expérience des élèves et leur donner envie de rester sur un tatami.

Voilà pourquoi je parle d’urgence pédagogique : pas parce que tout s’écroule, mais parce que l’Aïkido mérite mieux qu’un enseignement mécanique ou dogmatique.

Enseigner l’Aïkido, ce n’est pas figer une vérité.

C’est ouvrir un espace de pratique, donner des repères, et permettre à chacun de trouver sa voie.

 

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