L’avenir de l’Aïkido ne se joue pas seulement sur les tatamis, ni uniquement dans la qualité technique de ses pratiquants. Il dépend surtout de notre capacité à transmettre à différents publics, à donner envie de rester et à rendre visible la richesse de notre discipline. Enfants, adolescents, jeunes adultes : chacun vit l’Aïkido d’une manière spécifique, et c’est à nous de savoir nous adapter.
Aïkido enfant : un public visible sur les tatamis, mais quasiment invisible de la formation des enseignants
En assistant Stéphane Ethève cette semaine lors d’un cours enfants, j’ai vu comment il construisait la séance comme une histoire. Chaque étape guidait les enfants, nourrissait leur curiosité et canalisait leur énergie. Le résultat était là : ils étaient captivés, engagés, et sortaient du tatami avec la conviction d’avoir réellement pratiqué de l’Aïkido.
Cette expérience m’a rappelé à quel point l’Aïkido enfants n’est pas une parenthèse. C’est un enjeu central pour nos clubs.
👥 Un public central, souvent majoritaire dans les clubs
Transmettre l’Aïkido aux enfants est un défi. C’est énergivore, exigeant, et cela demande une grande créativité de la part des enseignants. Pourtant, dans la réalité des dojos – et de tous ceux que j’ai fréquentés – les enfants représentent souvent la majorité des effectifs des adhérents. Ils ne sont pas un public secondaire, mais bien le cœur vivant de nombreux tatamis.
🚪 Quand l’Aïkido n’est pas proposé, les enfants vont ailleurs
Si aucun créneau ne leur est offert, les familles se tournent vers d’autres disciplines martiales : judo, karaté, taekwondo… Ces sports sont visibles, bien installés dans les activités extrascolaires. Et une fois happés par eux, les enfants n’ont pas de raison de chercher une complémentarité avec l’Aïkido.
🎓 Une formation encore quasi absente des cursus officiels
La formation des enseignants n’intègre pas réellement cette dimension. Certes, le Brevet Fédéral comporte officiellement un module de deux heures sur la pédagogie enfants. Mais deux heures restent très insuffisantes face aux enjeux réels de cet enseignement.
En dehors de cela, il existe quelques stages spécifiques, mais rien de structuré dans les cursus type Brevet Fédéral ou CQP. Comme si enseigner aux enfants restait une compétence annexe, alors qu’elle conditionne en réalité la vitalité des clubs. J’ai pu le constater aussi dans d’autres arts martiaux : certains enseignants, excellents techniciens par ailleurs, n’adaptent pas leur pédagogie au jeune public.
📊 Du baby Aïkido aux ados : des besoins différents à chaque âge
La question se pose dès le baby Aïkido, puis avec l’Aïkido enfants et enfin avec les adolescents. Chaque tranche d’âge a ses spécificités, son rythme, ses besoins. Réduire l’Aïkido enfants à une version miniature de l’Aïkido adulte est une erreur. Le corps des enfants n’accepte pas les mêmes contraintes articulaires, leur esprit n’a pas la même disponibilité. Et pour autant, l’Aïkido enfants ne peut pas être une garderie : à quoi bon payer une licence et un kimono pour ça ?
🌱 Valoriser et soutenir les enseignants qui innovent déjà
Heureusement, de nombreux enseignants innovent, adaptent et transmettent déjà l’Aïkido avec une approche ludique auprès des jeunes publics. Leur engagement est précieux. Mais ces initiatives restent trop isolées. Ce qui manque, c’est une reconnaissance collective et une place claire de la pédagogie enfants dans le parcours fédéral.
🔑 Un enjeu de pédagogie, pas seulement d’effectifs
Accueillir des enfants ne suffit pas à assurer l’avenir de l’Aïkido. La continuité vers l’âge adulte n’est jamais garantie. Mais leur offrir une pédagogie adaptée et reconnue, dès le plus jeune âge jusqu’à l’adolescence, c’est donner du sens à leur pratique. Et c’est là que se joue la transmission réelle de notre discipline.
Aïkido jeunes : pourquoi certains clubs gardent leurs ados et d’autres non
La transition de l’enfance vers l’adolescence est une étape charnière. Beaucoup de jeunes arrêtent à ce moment-là, séduits par d’autres sports perçus comme plus modernes ou plus valorisants. Pourtant, certains clubs parviennent à garder leurs ados plusieurs années.
Un exemple concret : au club de Saint-Pierre à la Réunion, le cours ados est animé par un enseignant de 24 ans. Pas parce qu’il est jeune, mais parce qu’il est compétent. Cette proximité d’âge aide naturellement les pratiquants à se sentir compris et en confiance.
Mais l’essentiel se joue ailleurs :
👉 Les jeunes sont valorisés en ligne (tags, stories, publications qui les mettent en avant).
👉 Après le cours, il existe un petit moment d’échange directement sur le tatami. Pas un pot ou un verre – ce n’est pas forcément leur habitude – mais un espace simple pour poser des questions, discuter, rire.
👉 Et surtout, l’émulation collective : pratiquer ensemble, progresser ensemble, se motiver les uns les autres. C’est ce qui donne envie de revenir semaine après semaine.
Tous les clubs n’ont pas les mêmes ressources, ni un enseignant de 24 ans sous la main. Mais chacun peut agir à son niveau pour donner aux jeunes l’impression qu’ils comptent vraiment.
Et c’est souvent à cette étape que la question des modèles prend toute son importance.
Aïkido : et si vous ne suivez pas les bons modèles pour vous ?
Pour un adolescent comme pour un adulte, l’identification est un levier puissant de motivation. En Aïkido, on progresse souvent par identification. Voir quelqu’un qui nous inspire et dont les formes de corps nous ressemblent peut changer la façon dont on avance.
Sans modèle, on peut progresser. Mais avec, la progression devient plus stimulante. Le problème, c’est que les profils mis en avant ne sont pas toujours ceux dans lesquels chacun peut s’identifier.
On voit souvent des uke spectaculaires.
On voit souvent des haut gradés.
Et ce ne sont pas forcément des images qui inspirent tout le monde.
On voit parfois quelques femmes ou des petits gabarits. Mais ces profils ne sont pas majoritaires.
Récemment, en observant la pratique de femmes 3ᵉ dan, j’ai pris conscience que ce n’étaient pas leurs chutes qui m’impressionnaient. C’était leur centrage et leur puissance dans leur manière d’incarner Tori. Et c’est en observant ce qui nous inspire qu’il devient plus facile de s’identifier ou de se projeter.
Un modèle en Aïkido ne doit pas forcément être un pratiquant qui en met plein la vue.
Un modèle, c’est un pratiquant qui nous donne envie de continuer et qui nous ouvre l’univers des possibles.
L’Aïkido a cette richesse. Encore faut-il qu’on ose la valoriser !
Et c’est précisément là qu’intervient la communication des clubs, car ce sont eux qui rendent visibles ces profils.
La communication de club : un vrai métier… mais pas inaccessible !
La pédagogie et les modèles sont fondamentaux, mais ils restent invisibles sans une communication adaptée. Depuis cinq ans, j’anime mon blog Aïkido Millennials. J’ai aussi eu l’occasion de gérer la communication de trois clubs d’Aïkido, et d’accompagner différentes structures de la discipline — clubs, fédération, techniciens — que ce soit à travers la production de contenus, de vidéos ou via des formations.
👉 Et ce que j’ai constaté, c’est que la communication de club n’est pas “juste” publier une photo ou partager une affiche. C’est un vrai travail, qui demande de la méthode, de la créativité et de la régularité.
Alors oui, parfois une vidéo fait le buzz sans qu’on comprenne vraiment pourquoi. Mais ça reste fragile.
Ce qui fait vraiment la différence, c’est une stratégie solide :
-
sur les réseaux sociaux, en racontant la vie du dojo et en publiant avec régularité,
-
et sur Google, en travaillant son référencement via des contenus spécialisés, en tenant à jour une page Google My Business et en récoltant des avis.
Et là, un point essentiel : se former un minimum.
Parce qu’entre une communication amateur et une communication un peu plus professionnelle, la différence est énorme. Un visuel soigné, une vidéo montée proprement, un texte un peu travaillé : ça change tout.
👉 Surtout quand on s’adresse à un public de jeunes. Personne n’a envie de rejoindre un club qui n’a pas communiqué depuis 2014 ou qui utilise encore Paint pour faire ses affiches.
La bonne nouvelle, c’est que ce n’est pas inaccessible. Avec quelques bases, des outils gratuits ou très abordables, et un peu de méthode, chaque club peut professionnaliser sa communication et montrer une image vivante et attractive de l’Aïkido.
C’est dans cette logique que j’ai créé un kit de communication pour aider les clubs à poser ces bases, gagner du temps et développer leur visibilité. Plus de 100 clubs d’Aïkido (et arts martiaux) ont déjà eu l’occasion de recevoir mon kit de communication, preuve que le sujet de la visibilité intéresse et concerne directement les dojos aujourd’hui.
La communication, ce n’est pas juste du vent, c’est le réflexe à avoir pour donner envie à une personne de franchir la porte du dojo.
Conclusion
Former les enseignants à la pédagogie adaptée pour les enfants, fidéliser les ados grâce à une dynamique collective, offrir des modèles diversifiés et visibles, puis professionnaliser la communication : ces quatre leviers ne sont pas indépendants. Ils dessinent ensemble une stratégie cohérente pour assurer l’avenir de l’Aïkido.
Chaque club, avec ses moyens, peut agir sur ces axes. L’enjeu n’est pas seulement de remplir un tatami, mais de construire un environnement où chaque pratiquant – enfant, adolescent ou adulte – trouve sa place, se projette et a envie de continuer.
C’est ainsi que l’Aïkido pourra continuer à transmettre, génération après génération, la richesse de son art et la profondeur de ses valeurs.