Qu’est-ce qu’un Aikido libre ? Après plusieurs réflexions sur la pratique de l’Aïkido et 8 ans sur les tatamis, j’en tiré la conclusion que ce qu’il manquait à la pratique de l’Aïkido (telle qu’on me l’a enseignée depuis quasiment 8 ans), c’était une dose de liberté. Je me suis donc interrogée : qu’est-ce qu’un Aikido libre ? Et voici ma réponse dans cet article. Bonne lecture.
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1/ Un Aïkido libre, c’est un Aïkido qui se libère de la forme
Qu’est-ce que la forme, qu’est-ce que le fond ? C’est un vaste débat. Je dirais personnellement que la forme est ce qui permet d’imiter et reproduire ce que l’on voit d’une technique (la posture, le déplacement, la clé articulaire, la chute). Inversement, le fond, c’est l’incarnation personnelle des principes de l’Aikido (principe de non résistance, intention martiale dans la pratique, connexion visuelle avec le partenaire, stabilité dans les appuis). Il s’agit ici d’une définition personnelle liée à mes recherches sur le sujet car pour être honnête, j’entends souvent les pratiquants parler opposer ces deux termes sans jamais les définir.
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Concrètement, un Aïkido libéré des carcans de la forme permettrait à ses pratiquants de pouvoir s’exprimer sur le tatami sans chercher à coller à une manière esthétique de faire la technique. J’assume le therme “esthétisme”, même si le mot est fort, car qu’importe la manière de réaliser la technique, si son fondement reste le même. Prenons un exemple : sur une attaque Kata Dori Men Uchi, faire Ikkyo sur le bras gauche ou le bras droit relève du superflu et ne touche pas le fondement de la technique. De même, sur une saisie Ai Hanmi Katate Dori, faire un Nikkyo Ura comme si on était sur Gyaku Hanmi n’est pas non plus une hérésie et ne change rien au principe de Nikkyo (c’est juste moins direct).
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2/ Un Aïkido libre est une pratique dans laquelle la spontanéité peut s’exercer et où le pratiquant peut s’exprimer.
Qu’est-ce que la spontanéité en Aïkido ? La spontanéité, c’est réagir de manière instinctive face à une attaque ou une sollicitation par exemple. La spontanéité demande de maîtriser les bases de l’Aïkido, mais une fois la nomenclature connue, la spontanéité permet de choisir sa technique ou son déplacement en fonction de ce qui nous semble le plus approprié à la situation. Mais cela implique que l’on établisse un cadre dans lequel la spontanéité et l’expressivité personnelle peuvent se manifester. Or, en dehors des Jyu Waza (qui sont très conventionnels car limités à une seule attaque voire 2 grand maximum), les pratiquants sont très rarement conviés à s’exprimer librement sur les tatamis. Ce qui est pour moi contradictoire avec l’idée de développer un Aïkido qui nous est propre à partir du 3e ou 4e dan.
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Par ailleurs, pour pouvoir s’exprimer, il faut que l’on puisse être dans la possibilité de choisir les techniques qui correspondent à notre gabarit ou à nos capacités physiques et nous laisser libre dans la manière de les exécuter. On rejoint ici le premier point sur la forme. Si je prends mon exemple personnel : étant petite, je me mets en difficulté en tant que Tori lorsque je dois réaliser un Irimi Nage avec un grand déséquilibre avec un partenaire plus grand que moi (90% de la population sur les tatamis). Si je pouvais m’exprimer librement, je ne choisirais pas cette forme, ni d’ailleurs Irimi Nage qui ne m’avantage pas. De même, je suis rapide sur le plan des réflexes physiques, et cette habileté n’est pas valorisée en Aïkido où les partenaires doivent s’attendre pour pratiquer ensemble.
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3/ Un Aïkido libre, c’est un Aïkido ouvert dans sa définition même.
Ce dernier point nous amène à une réflexion de fond : la définition des contours de l’Aïkido, et ses limites. Qu’est-ce qui relève de l’Aïkido et qu’est-ce qui n’est plus Aikido .
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👉 Si je choisis de rompre le contact car je trouve martialement compliqué de maintenir le lien, suis-je encore dans l’Aïkido ?
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👉 Si je choisis de me déplacer sans réaliser de Tai Sabaki, ni de Tenkan ou Henka, suis-je encore dans l’Aïkido ?
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👉 Si je choisis de ne plus attendre mon partenaire car l’attente me semble en contradiction avec la notion d’efficacité martiale, suis-je encore dans l’Aikido ?
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Je n’ai pas de réponse mais des questionnements. Il est certes important de définir les contours d’un art martial, cependant les pratiques sont tellement diverses de part nos différentes écoles et arts Aiki que la définition même de l’Aïkido peut être questionnée.
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Ce qui relève pour moi de l’essence de l’Aïkido, c’est la pratique à deux, avec pour spécificité de maintenir un contact lorsque ce dernier reste avantageux pour nous, et de le rompre par un Ukemi ou un autre déplacement si cela nous permet de préserver notre intégrité physique. L’Aïkido, c’est un art martial où les deux partenaires entretiennent un respect mutuel et cela implique de ne pas attaquer l’autre lorsqu’il a déclaré forfait ou est en position de soumission.
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Conclusion
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Voici pour moi les conditions facilitant la pratique d’un Aïkido libre de toute contraintes liées à la forme, et propice à l’expression personnelle. Cette réflexion ouverte invite ainsi à s’interroger sur la définition et les contours de l’Aïkido en tant que discipline martiale. Nous sommes en 2024 près d’un siècle après la création de notre discipline : nous comptons des milliers de pratiquants à travers le monde, des centaines d’écoles et fédération également, et un Aïkido dont la pratique a évolué en termes de pédagogie mais également de pratique. L’Aïkido perdure mais évolue, c’est pourquoi nous aurions tout intérêt à proposer des pratiques plus libres, pour un plus grand épanouissement des pratiquants.
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Bonjour
Très bonnes questions et je vous remercie de les poser. Je viens de fêter mes 50 ans de pratique d Aïkido et j enseigne à mes élèves partir du 3 kyu ce que vous appelez l Aïkido libre qui n est en réalité que l expression de l énergie déliée du Hara ” notre cerveau “abdominale . Comment je l enseigne ?
En fin de cours nous faisons des Radoris contre 1 ( 3 kyu au 1) ou contre plusieurs ( après le 1 dan) ou Uke attaque comme il le souhaite ( shomen. Yokomen, saisies, tsuki etc). Ce type d entraînement permet à Tori d utiliser la non pensée de son Hara ,il en découle des mouvements fluides, des déplacements en cercle une circulation libre de l énergie. Ce moment unique d harmonie avec soi-même et les autres, cette fusion de l esprit et du corps nous permet de découvrir l aspect le plus important de l Aïkido et peut-être le plus authentique de nous même.
Francois Demailly