Cet article est proposé par Jean-Victor Szelag, ex secrétaire général de la FFAAA, 5e dan UFA

L’Aikido est-il un sport ? C’est la question qui fâche, qui suscite polémiques et parfois peut nous faire perdre du crédit face à des puristes qui nous prennent alors pour des profanes qui ne comprennent rien à la discipline.

L’aïkido est un art martial vous dira-t-on, il n’est pas compétitif, donc, ce ne peut être un sport.

Mais tous les sports ne sont pas compétitifs, et même s’ils le sont, on peut néanmoins les pratiquer sans penser à la compétition ; qui n’a pas fait du vélo, du tennis, du jogging et même du Judo sans penser automatiquement à faire de la compétition ?

Un art martial, c’est l’art de la guerre, si on s’en tient au sens étymologique du terme. Cette même définition est en elle-même contradictoire avec les valeurs de l’aïkido : la non-violence, le respect du partenaire et l’harmonie.

Alors, peut-on encore dire que l’aïkido est un art martial en 2025?

Les armes en aïkido : une pratique obsolète ?

Il y a longtemps que l’on se bat autrement et que les armes ne sont plus le sabre ou l’épée. Un film le démontre bien, « Le dernier Samouraï », où tous ces braves samouraïs se font tuer par des soldats armés de fusils sans même la possibilité de combattre ou de se défendre.

Si les techniques d’Aïkido ont été reprises et adaptées parmi des techniques d’autres arts martiaux, elles ne peuvent plus être considérées comme des techniques martiales au sens premier du terme ; elles permettent, dans certaines conditions d’être utilisées pour se défendre et il existe dans certains dojos des cours de self-défense calquées sur les techniques d’aïkido : mais dans ce cas précis, on adapte la technique,  qui ne peut donc plus être considérée comme une technique pure d’aïkido.

L’Aïkido est un sport, non compétitif, mais un sport tout de même !

Qui n’a jamais assisté à un passage de grades ou l’on entend qu’il faut pouvoir tenir au moins 15 minutes durant le passage, en tant que Tori bien sûr mais aussi être en état physique pour pouvoir assurer le rôle d’un Uke réactif et dynamique. Travailler son cardio et sa condition physique n’est-il pas le propre d’une activité sportive ?

D’ailleurs, on pratique un échauffement en début de cours, on parle d’entraînement régulier en Aïkido, et on valorise les grandes chutes acrobatiques qui demandent une certaine condition physique pour être réalisées sans blessure.

Par ailleurs, on parle également de sport santé et l’aïkido propose annuellement des stages thématiques sur ce sujet. Si l’aïkido n’était pas un sport, le sport santé ne serait pas un sujet dans la discipline.

La grande majorité des pratiquants s’inscrivent dans nos clubs pour faire du sport : un sport différent des sports martiaux qu’ils connaissent, certes, mais un sport tout de même. Et ce pour garder la forme, la santé, sans être obligé de chuter comme au Judo ou de frapper comme au Karaté ou d’autres disciplines de combat ; en somme, pratiquer un sport moins “violent”, tout en restant dans la martialité.

Alors pourquoi est-ce si difficile d’employer le mot “sport” pour qualifier notre discipline ?

Certainement parce que nos grands techniciens pensent être les meilleurs, et veulent le rester jusqu’à la fin de leur vie. C’est pour cela que chaque fois que l’on parle de sport, ils s’insurgent estimant que nous (les profanes) n’y connaissons rien et que l’Aïkido, cet art martial inventé par Morihei Ueshiba, ne peut être un sport.

S’ils admettaient que l‘aïkido est un sport, ils ne seraient plus aujourd’hui en haut de l’affiche. Car oui, dans le milieu sportif, notre temps sous les projecteur est compté puis on laisse la place à d’autres pratiquants meilleurs que nous (victoire en compétition) ou tout simplement plus jeunes (on prend sa retraite)

Et la suite de la carrière d’un sportif ? La retraite ou la reconversion dans le métier d’entraîneur ou de coach, pour faire progresser la nouvelle génération.

Dans ce contexte, affirmer que l’aïkido est un sport conduirait nos anciens à laisser la place à une nouvelle génération de pratiquants. 

De plus, la reconversion paraît difficile pour nos anciens qui ont été de très bons démonstrateurs mais pour une partie, de piètres formateurs.

En effet, quand on ne peut plus pratiquer à haute intensité, il faut savoir enseigner !

La relation maître/élève : un contrôle pour que jamais l’élève ne dépasse le maître en aïkido.

Par conséquent, il est commode de valoriser l’école japonaise où le maître reste le maître jusqu’à sa mort

Dans ce cadre, on tient aux élèves un discours dévalorisant : “Travaille, répète tes mouvements, tu finiras par réussir, et si tu ne réussis pas c’est que tu n’es pas bon, que tu n’as pas compris ou ne peut pas comprendre”

Mais rien n’est fait pour vous permettre de comprendre la discipline : la répétition, en remontrant la même chose, toujours sans explication et sans pédagogie, ne permet pas en effet à l’élève de comprendre et de travailler ce qui ne va pas.

L’enseignant est celui qui fait progresser ses élèves pour qu’un jour, ils puissent devenir meilleurs que lui, car c’est ainsi que le monde avance. Il doit ainsi trouver le moyen de leur faire comprendre, de trouver ce qui les bloque et de mettre en place les exercices qui supprimeront ce blocage.

Les enseignants qui s’adressent à des enfants le savent, ils doivent trouver les exercices qui permettront aux jeunes de s’approprier la technique plus tard et de la maîtriser. Combien de fois n’ai-je entendu par le passé : “mais ce n’est pas de l’aïkido ce qu’ils font” parce que le mouvement ne correspondait pas parfaitement à la technique.

Aujourd’hui, la vision pédagogique de l’Aikido a évolué : certainement que ce n’est pas de l’aïkido le plus pur, mais cela permet à nos jeunes d’être en état de maîtriser la technique quand celle-ci leur sera proposée quelque temps plus tard.

Le Judo a depuis longtemps pris conscience que pour faire des champions il faut avoir de bons formateurs, de bons entraîneurs, et il est devenu aujourd’hui le meilleur mondial au grand dam des japonais qui se sont rendus compte que ce sport n’est plus uniquement le leur et qu’il y a meilleur qu’eux.

En Aïkido, tout est fait pour maintenir les pratiquants dans un cadre japonais dans une relation maître/élève. Tout est fait pour que surtout, des élèves, déjà bons techniciens, ne s’émancipent pas de cette tutelle pour devenir meilleur que lui. Et quand bien même, certains élèves dépasseraient leur maître, il serait impossible de l’affirmer car nous, “les pratiquants de base”, ne comprenons pas vraiment notre discipline et devons toujours se référer aux anciens ; enfin, c’est ce qu’ils nous disent et beaucoup de pratiquants le croient, surtout celles et ceux qui ont besoin d’un grade qui dépend du maître.

En Occident, Europe et France, la mentalité n’est pas la même qu’au japon. Cartésiens nous n’avons pas la même réflexion, il nous faut des explications et la réponse au pourquoi est essentielle. On ne peut dire : travaille, travaille et tu finiras par comprendre. Car ce n’est pas que cela, le rôle d’un enseignant.

Conclusion

Il nous faut occidentaliser notre aïkido pour qu’il se développe, le mettre à la portée de tout un chacun et permettre à tous, quelque soit l’âge ou la condition physique, de s’épanouir dans la pratique afin de donner à tous la possibilité de progresser dans la hiérarchie des grades.

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