J’ai eu le plaisir d’interviewer Olivier Pierre, 5e dan DEJEPS d’Aikido mais également 5e dan de Karaté. Il est également membre du CTR de la ligue Ile-de-France FFAAA. Olivier étant pratiquant et enseignant, j’ai voulu l’interroger pour avoir une vision de la pratique du Buki Waza et des armes en général. Aujourd’hui, les armes sont présentes dans notre pratique de l’aïkido à la FFAAA mais secondaires comparé à la pratique à main nue. Dans cette interview, j’ai voulu interroger Olivier sur sa vision des armes, et ce qu’elles lui apportent dans sa pratique de l’aïkido. Bonne lecture.
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Peux tu te présenter ?
Je m’appelle Olivier Pierre, j’ai 53 ans. J’ai débuté l’aïkido en 1992 à l’âge de 21 ans et le karaté wado ryu en 1997, je suis actuellement cinquième dan et DEJEPS dans les deux disciplines.
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En parallèle, je suis membre du Collège Technique Régional de la Ligue de France et Jury fédéral. J’ai principalement été formé en aïkido par deux enseignants, le premier était Michel Dussauchoy avec qui je suis resté jusqu’au deuxième dan et ensuite par Marc Bachraty sensei. Je m’entraine depuis quelques années chez Michel Lapierre sensei et continue de me former également en participant à des stages d’experts de notre fédération tels que Marc Bachraty sensei, Bruno Zanotti shihan, Luc Mathevet shihan et Christian Tissier shihan bien entendu.
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En parallèle de l’aïkido, je suis technicien géomètre topographe, profession que j’exerce depuis 35 ans aujourd’hui.
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Le karaté nourrit il ta pratique de l’aïkido et inversement ?
Lorsque j’ai débuté le karaté, j’étais deuxième dan d’aïkido et je me posais beaucoup de questions sur ma discipline. En 1996, j’ai commencé à suivre l’enseignement de Marc Bachraty sensei qui est un excellent professeur d’aïkido et un talentueux pratiquant de karaté de longue date, j’ai constaté chez lui des qualités et des aptitudes que je n’avais jamais observé auparavant chez les aïkidokas que j’avais pu croiser. C’est pour cette raison que j’ai décidé de m’orienter également vers cette discipline.
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Aujourd’hui, avec l’expérience, il est évident que l’une et l’autre interagissent dans ma pratique, elles m’enrichissent d’expériences et de rencontres. Bien que très différentes dans la forme, elles sont assez ressemblantes dans le fond.
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Le wado ryu repose sur des principes communs à l’aïkido : ne pas bloquer, privilégier l’esquive, l’économie de gestes et d’énergie, la défense et l’attaque ne font qu’un…
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Les deux disciplines font partie de moi, elles représentent les deux facettes d’une même pièce, la main ouverte et le poing fermé, le Yin et le Yang. Les circonstances dans la vie nécessitent parfois que l’on soit l’un et parfois l’autre.
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Qu’apporte la pratique des armes à l’aïkido ?
La pratique des armes est considérée comme secondaire en Aikido : secondaire dans le sens où elle ne constitue pas le socle principal d’apprentissage de la pratique. En effet, on y accorde une certaine attention car elle est un élément incontournable pour les passages de grade dan. Rappelons que notre discipline comprend la pratique des armes et la pratique à main nue : ces deux versants sont inséparables. Le fait que son étude représente environ un tiers du temps de pratique s’explique aisément.
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Aujourd’hui, la pratique des armes n’est plus aussi prépondérante qu’elle ne l’a été aux débuts de l’Aikido : la société a changé et les armes japonaise sont devenues une activité de loisir. Certes elles sont pratiquées sérieusement, mais plus dans le rôle qu’elles avaient. La pratique des armes est pour beaucoup d’entre nous une manière de dans une tradition ancienne avec ses valeurs et ses codes.
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Beaucoup portent un regard différent sur les armes aujourd’hui, vues comme une pratique d’une autre époque, obsolète dans le monde moderne. Je peux comprendre ce regard porté sur la pratique, mais on pourrait aussi y voir un réel potentiel de développement de qualités corporelles et principes martiaux compatible avec l’Aïkido : verticalité, ancrage, sens du timing (De ai), volonté, engagement (Irimi), meilleures postures physique et mentale (Shisei).
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La pratique des armes révèle qui vous êtes, elle met en alerte vos émetteurs et récepteurs de danger, ce qui n’est pas tout à fait le cas avec le travail à mains nues. Même si c’est une sensation que vous pouvez ressentir lorsque vous travaillez avec des partenaires affûtés.
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Tu as rédigé ton mémoire de 5e dan sur la thématique des armes : quel était le sujet précisément et pourquoi ce choix ?
Effectivement, j’avais choisi “L’apport de la pratique des armes dans la discipline aïkido”. Comme je l’expliquais précédemment, les armes de l’aïkido sont un outil de compréhension des principes aiki (Musubi et Awase) et également des principes d’Irimi et de Tenkan.
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Mais quand aujourd’hui nous parlons des armes, de quoi parlons-nous ? Qu’enseignons-nous dans nos dojos ? Le kenjutsu est beaucoup plus enseigné que les armes du fondateur (aïki ken et aïki jo).
Aujourd’hui, les armes ne sont pas pratiquées dans tous les dojos. Et lorsque des créneaux sont dédiés à cette pratique, ils ne représentent qu’un faible volume horaire : que penses-tu de ce choix ?
Je ne connais pas d’enseignant qui n’en propose pas. Le problème réside dans le choix des uns et des autres de suivre ou non ces cours, de s’y intéresser et de s’entraîner sérieusement.
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Pour celles et ceux qui souhaitent pratiquer davantage, vous pouvez vous rendre en stages, mais également à des cours spécifiques et bien sûr aux Ecoles des cadres consacrées aux armes, qui représente un volume d’entraînement non négligeable.
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En ce qui concerne les passages de grade, je crois fermement que l’on améliorerait la qualité des échanges en notant à valeur égale les deux parties que représente le tai jutsu et les armes. Nous pourrions proposer des exercices tels que les Kumi Jo et les Kumi tachi par exemple. L’engouement pour la pratique et en particulier pour l’aïki ken et l’aïki jo serait ainsi fortement augmenté.
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J’ajouterais que l’on rencontre de plus en plus d’enseignants qui proposent des stages mêlant plusieurs disciplines. Je ne remets pas du tout en cause leurs talents et leurs compétences. Cependant, notre discipline est complexe, et possède un patrimoine très diversifié de techniques à mains nues et aux armes. En faire le tour et les maitriser demande des dizaines d’années d’apprentissages et d’efforts. Je pose donc la question : ne devrait-on pas enseigner au préalable ce que l’on a déjà dans notre discipline avant d’enseigner ou apprendre d’autres disciplines complémentaires ?
Pourquoi les armes ne sont-elles pas enseignées à l’Aïkikaï ?
On dit que Morihei Ueshiba n’enseignent pas les armes à l’Aïkikaï, même s’il en faisait la démonstration à de multiples occasions bien entendu. Je pense que l’Aïkikaï a continué à procéder de la même manière qu’autrefois.
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Aujourd’hui, il y pléthore d’écoles d’aïkido avec des styles et des influences différentes. Il en va de même pour les armes. L’essentiel du travail des armes se fait dans les dojos privés. Ce que j’ignore, c’est comment cela se passe au Japon, lors des passages de grade «aïkikai», les candidats sont-ils interrogés sur la pratique des armes sachant qu’en son sein, aucun cours d’armes n’est dispensé ?
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J’imagine que cela oblige les pratiquants à s’entrainer dans plusieurs dojos.
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A la FFAAA, on a choisi de privilégier la pratique du Ken Jutsu de l’École du Kashima. Est-ce la pratique la plus efficace ?
Je ne crois pas qu’il s’agisse d’un débat sur l’efficacité d’une école par rapport à une autre. Historiquement, le Ken Jutsu de Kashima est un art guerrier, qui trouve son origine au 16e siècle. Il se pratiquait dans le fief et était immédiatement mis en pratique sur les champs de bataille.
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L’Aïkiken, c’est la volonté de O’Sensei de mettre en place une pratique qui soit en adéquation avec la philosophie aïki et l’étroite relation qui existe entre la pratique mains nues / armes. Je pense que notre fédération n’a pas fait le choix initial de mettre en avant le Ken Jutsu.
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Lorsque Christian Tissier Shihan est rentré du Japon, il est arrivé avec un savoir-faire, une discipline inconnue de beaucoup ici en France. Je pense que l’intérêt que cela à suscité a été grandissant et que cette nouvelle discipline au fil du temps s’est imposée à tous, y compris au sein notre fédération et de ses cadres.
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Qu’aurait-pu choisir d’enseigner d’autre pour une pratique complémentaire des armes à l’Aïkido ?
Si les armes vous attirent et que vous souhaitez approfondir vos connaissances, faire une ou plusieurs disciplines comme le Iaido ou le Jodo, semble être un excellent choix. Beaucoup de nos experts en Aïkido ont été de fervents pratiquants de Iaido, de jodo et de ken jutsu.
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L’intérêt majeur de l’apprentissage de ces disciplines parallèles réside surtout dans le fond (rigueur, discipline et répétition), ces écoles reposant principalement sur ce socle. A l’évidence, les qualités acquissent vont forgés votre corps et votr esprit. Elles feront de vous un pratiquant plus rigoureux.
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La pratique des armes n’est pas évaluée avant le premier dan, que penses-tu de cela ?
Dans nos dojo et ailleurs, la formation aux armes commence dès les débuts, cependant, les passages de grades kyu n’évaluent pas les candidats à la pratique des armes. C’est pour moi regrettable. Dans d’autres écoles, les armes font l’objet d’une évaluation. Toutefois, rien n’empêche aux enseignants de proposer l’évaluation de la pratique des armes avant le 1er dan.
Où peux t’on te retrouver ?
En cours ou en stage. Ce n’est jamais facile de dégager du temps pour soi, entre le travail, la famille et les cours que nous donnons. C’est parfois un sacrifice, du temps que l’on ne consacre pas aux proches. Je donne des cours enfants de Karaté et d’Aïkido dans les clubs clubs Kajyn à Paris et je donne également bénévolement des cours de karaté au Club Sportif de la Garde Républicaine boulevard Kellermann à Paris.
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Que peut-on te souhaiter pour la nouvelle saison ?
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Eh bien, je dirais continuer de me passionner pour mes disciplines, j’espère être le plus longtemps possible, capable de pratiquer. Conserver l’esprit ouvert, toujours curieux et à l’écoute. Me remettre en question au gré de mes rencontres sur et en dehors du tatami. Toujours fidèle à mes valeurs.
Olivier Pierre
0674713657
Olivierpierre2001@gmail.com
Merci Yéza
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