L’aïkido connaît un moment difficile en France en raison de la situation sanitaire que nous connaissons tous. Par conséquent, il nous a fallu nous adapter à des contraintes de plus en plus nombreuses. Cette adaptation m’a permis de développer une réflexion sur l’avenir de la pratique, pendant le confinement mais surtout pour la suite : quelles leçons l’aïkido peut-il tirer du confinement ?
Voici donc mes 5 pistes de réflexion pour faire évoluer l’aïkido en 2020.
1- La pratique en plein air grâce aux cours d’armes
Les dojos nous ont été retirés, mais l’aïkido n’est pas qu’une pratique à main nue. Il est également composé d’une partie d’armes pour une pratique en extérieur. Les armes sont donc l’occasion de ne pas dépendre du dojo pour pratiquer l’aïkido.
Elles nous obligent également à travailler sur nos postures. Mais surtout, elles nous permettent de travailler dans un environnement différent avec un sol différent : pelouse, sable, terre, béton…ces différents revêtements offrent des sensations bien singulières.
Évidemment, il est plus facile de travailler les armes et de comprendre leur intérêt lorsqu’on est plus gradé que débutant. C’est pourquoi un travail de pédagogie permettant de faire l’analogie entre la pratique des armes et la pratique à main nue est nécessaire pour éviter que les débutants décrochent.
2- Le travail sur soi avec la pratique individuelle
S’il nous est impossible de pratiquer en extérieur, les cours en visio sont une option possible. Ils nous permettent de travailler sur nos placements, notre souplesse, mais également nos postures. Les cours en vision peuvent se centrer sur des déplacements mais également des pratiques alternatives : yoga, tai chi…
En travaillant sur son propre placement et sa propre respiration, on participe par la suite au bon équilibre entre uke et tori.
3 – Le travail des chutes est toujours possible
Plus difficile et moins confortable, le travail des chutes pourrait être envisagé sur des revêtements moins durs tels que la pelouse ou le sable. Il permettrait d’adapter l’aïkido à une situation plus réelle. J’entends déjà certains me rétorquer que l’aïkido n’a pas besoin d’être efficace, et que sa place est dans un dojo. Mais la situation exceptionnelle que nous connaissons est pour moi l’occasion d’une prise de conscience : et si 2020 était l’année du changement pour l’aïkido ? Après tout, l’aïkido a bien évolué depuis sa création.
Je ne dis pas que l’aïkido doit se transformer en sport de rue, mais qu’à l’instar des armes, travailler les chutes sur de nouveaux sols permettrait à la fois de savoir si nos chutes sont bien réalisées (le tatami pardonne les erreurs, la pelouse un peu moins), et donc d’assouplir et adapter son corps à ces revêtements nouveaux.
4 – Le renforcement musculaire
L’aïkido n’est pas un sport me dira-t-on. Il n’en demeure pas moins une activité physique, et dans l’optique de devenir un meilleur pratiquant, une forme physique est essentielle. Je lève ici le tabou sur le physique bedonnant de certains aikidoka, qui n’aide pas à valoriser l’image de la discipline auprès d’un jeune public.
C’est pourquoi des exercices de renforcement musculaire et de cardio permettent de devenir plus endurant mais contribuent également à renforcer notre immunité, en période de crise sanitaire !
Au Kuroba, les sessions de cardio fractionné sont appréciables pour revenir en forme sur les tatamis
5 – Les leçons à retenir du confinement pour l’aïkido
L’aïkido a longtemps été tributaire d’un dojo, comme beaucoup d’arts martiaux. L’année 2020 ne nous a pas permis de pratiquer de manière régulière sur des tatamis, et il nous a fallu adapter notre pratique dans un environnement différent. Pour attirer de nouveaux pratiquants en cette période incertaine, l’aïkido va devoir adapter sa pratique à ce nouveau contexte. Plus résilient, l’aïkido de 2020 donnera peut-être la voie à une nouvelle pratique : en extérieur, plus à l’écoute de son environnement, et plus adapté à de nouvelles contraintes.
Conclusion
Cet article propose ici des pistes de réflexion sur l’évolution de l’aïkido suite à un contexte inédit mais aussi difficile. Certes, mes propositions peuvent brusquer la pensée en vigueur sur ce qu’est l’aïkido et comment il devrait ou ne devrait pas évoluer. Mais 2020 n’est peut être que le début d’une pratique irrégulière. C’est pourquoi l’aïkido, s’il veut survivre, devra s’adapter à son contexte : si la contrainte construit, alors retenons les leçons de la crise, et innovons !
Hello,
merci pour cet article et ces réflexions.
Totalement partante pour ma part pour imaginer que la pratique se déroule un peu plus en extérieur. Encore faut-il qu’on ait le droit de se réunir…
Mais oui, une fois passée l’inquiétude d’avoir les genoux verts ou beiges … (herbe et sable) il y a totalement moyen de développer le corps et la pratique dans ces contextes moins “confortables”.
En témoigne la chaîne Youtube de Baja Aikido, par exemple.
https://www.youtube.com/user/bajaaikido
(Bon, faut bien admettre qu’au Mexique, la météo est favorisante pour pratiquer en extérieur ;-))
Belle journée,
Elodie
Chère Yéza,
Votre souci de poser un regard neuf sur l’aïkido, sa pratique, son sens et sa culture vous honore. Bien entendu, et c’est là tout l’écueil de la jeunesse enhardie et passionnée, vous ne manquez pas parfois d’une certaine naïveté et de quelques maladresses à l’endroit de l’histoire réelle de ce magnifique art martial. La pratique et l’entraînement aux ukemis en dehors des dojos et en sols hostiles n’ont pas attendu 2020 pour exister. De nombreux enseignants ont pratiqué et pratiquent encore dans des contextes variés pas seulement les armes mais aussi la partie taï-jutsu (dans la lignée Iwama ou Kobayashi-Cognard mais pas seulement, je pense à Toshiro Suga par exemple).
Par ailleurs, et de manière plus générale, je dirais que si votre travail et votre engagement sont fort utiles, il ne faudrait pas, au nom d’une nécessaire « évolution-modernisation » de l’aïkido, vouloir en faire une espèce de gymnastique doublée d’une pseudo efficacité de self-défense afin de répondre à des normes et des besoins qui ne lui correspondent pas. Selon moi, l’aïkido est une discipline, qui, bien qu’à visée universelle, n’en demeure pas moins japonaise, et donc à comprendre à partir de la culture historique du Japon. C’est aussi, et ça devrait le rester , un budo ; ce qui induit un certain type d’engagement dans les techniques, dans l’intention, mais aussi dans l’étiquette. De ce dernier point, nous pouvons par exemple déduire que, bien que l’on puisse « externaliser» l’apprentissage des techniques, le lieu d’un enseignement demeure essentiellement dans un dojo, c’est-à-dire le ou les lieux qu’un maître définit pour transmettre son ryu à ses élèves (que je préfère au terme de « disciples » qui possède dans la langue française une connotation potentielle de soumission qui me dérange). En outre, l’aïkido est un art martial à comprendre à partir du travail des armes. Sans cela, de mon point de vue, il devient très difficile d’en saisir le sens profond et réel.
Du même coup, comment envisager et penser l’évolution et l’avenir d’une telle discipline ? La question est vaste et difficile, mais en effet nécessaire et en tous cas passionnante. Cela n’est sûrement pas en cherchant à tous prix à l’adapter au monde contemporain et à ses contraintes sociales. Un art doit modifier le réel plus qu’il ne doit s’y plier, surtout s’il doit payer une telle soumission de devoir devenir autre chose que lui-même et de trahir son
« essence ». ( entendue comme principes qui fondent sa raison d’être). Mais cela ne peut être non plus en se figeant sur des manières de faire et d’apprendre immuables dont on ne comprendrait plus le sens, et qui par-là seraient sans avenir.