Beaucoup de personnes pensent que les arts martiaux vont leur apprendre à se défendre. Et c’est vrai. Mais ceux qui restent y découvrent autre chose : un terrain d’apprentissage plus profond, plus intime, qui touche à la confiance, à l’assurance, à la posture qu’on adopte dans la vie autant que sur le tatami.

A chaque fois que l’on monte sur le tatami se joue un dialogue silencieux : est-ce que je me sens à ma place ? Vais-je gêner ? Puis-je occuper l’espace sans avoir à me justifier ? Face aux doutes, la pratique est un remède ! 

L’Aïkido, comme d’autres pratiques martiales, devient alors un terrain d’émancipation. Une manière de se réapproprier sa légitimité, d’oser s’exprimer, et parfois même… de ne plus s’excuser d’exister.


1/ Buffy et les arts martiaux : apprendre à se défendre, mais surtout à s’affirmer

“La chose la plus difficile dans ce monde, c’est d’y vivre.”

Cette phrase est extraite de la série Buffy contre les vampires, célèbre série des années 90, dans laquelle l’héroïne se battait contre des créatures surnaturelles. Mais au-delà des monstres, Buffy nous parle de combat intérieur et d’affirmation de soi.

Si Buffy se battait contre des vampires, sa sœur Dawn, elle, menait un autre type de combat : elle devait apprendre à s’affirmer, à combattre ses propres démons et à trouver sa place dans un monde où elle se sentait souvent de trop.

Et c’est précisément ce que nous apprennent les arts martiaux. Ils ne nous enseignent pas seulement à nous défendre physiquement, mais aussi à nous ancrer, à exister avec assurance, à prendre notre place avec justesse – sur le tatami comme dans la vie.

Lorsque j’ai commencé l’Aïkido, je m’excusais d’exister et ne me sentais pas légitime. J’avais l’impression de faire perdre leur temps à mes partenaires. Et après quelques années, j’ai réussi à prendre confiance en moi en passant des grades et en progressant sur le plan technique.

Buffy contre les vampires ne m’a pas menée directement à l’Aïkido, mais elle a été une source d’inspiration. Comme les arts martiaux, elle nous rappelle que la force ne réside pas uniquement dans le combat visible, mais aussi dans notre capacité à nous affirmer et à prendre notre place.

Parce qu’au fond, le plus grand combat n’est pas toujours contre un adversaire visible, mais contre ce qui nous empêche intérieurement de nous affirmer pleinement.

C’est en repensant à tout cela que la récente disparition de Michelle Trachtenberg m’a marquée. Dawn était un personnage souvent en retrait, qui devait prouver sa valeur et apprendre à exister. Et je pense que beaucoup de pratiquants passent par ce même cheminement au début de leur parcours.


Cet enjeu d’affirmation personnelle, on le retrouve aussi dans les interactions plus subtiles du dojo. Pas besoin d’un combat contre des monstres : parfois, il suffit d’un commentaire maladroit ou d’un partenaire autoritaire pour que la confiance vacille. D’où l’importance de veiller à un autre type d’intégrité : celle de notre équilibre psychologique.


2/ Aïkido : pensons à préserver l’intégrité psychologique de nos partenaires dans la pratique et en dehors

En discutant avec Sarah, qui pratique l’Aïkido à Rennes, nous avons partagé le constat que même gradées, nous avions parfois l’impression de ne toujours pas comprendre l’Aïkido.

Il suffit d’un mauvais jour, d’une pédagogie différente, d’entrées différentes ou de partenaires différents pour bousculer nos repères.

L’Aïkido n’échappe pas à la règle de la vie : il y a des jours avec et des jours sans.

Et comme tout effort physique ou intellectuel, la progression n’est pas linéaire.

De même, comme dans la vie, on rencontre de tout et on vit toute type de situation sur le tatamis : des silences aux remarques encourageantes ou parfois désobligeantes.

L’Aïkido est un échantillon de la vie. Et même si nous devons garder un certain Shisei sur les tatamis, ni nos partenaires, ni nous-mêmes, ne sommes dépourvus d’émotions. C’est pourquoi nous devons faire attention à ne pas heurter l’intégrité psychologique de nos partenaires sur les tatamis et en dehors.

Et comme dans la vie, quand quelque chose nous froisse, le mieux est encore d’en parler de vive voix.


Mais pour pouvoir en parler, encore faut-il oser. Or dans notre discipline, prendre la parole reste une chose difficile – surtout lorsqu’on ne se sent pas légitime, ou qu’on a peur de se faire remettre à sa place. Il est temps de déconstruire cette peur de mal faire, pour encourager l’expression de chacun.


3/ Aïkido : cette croyance responsable de la sclérose de notre discipline 

Il y a peu de voix qui s’expriment dans notre discipline.

Et pourtant, tout le monde peut produire des contenus, quelque soit son grade, et quelque soit son expérience.

L’expression personnelle des pratiquants est ce qui permet à l’Aïkido de s’ouvrir à de nouvelles réalités, mais également d’adapter sa pratique et son enseignement à la diversité des pratiquants.

Récemment, j’ai soulevé le sujet des problématiques féminines que certaines n’osent pas porter auprès de leur enseignants. Et j’ai vu la parole se libérer dans les commentaires de la publication.

Aujourd’hui, peu de techniciens prennent la parole sur les diverses thématiques qui font la richesse de l’Aïkido.

Ce n’est pas une critique, mais un encouragement à la diversité des expressions, qu’elles soient issues des techniciens professionnels, des hauts gradés mais aussi des pratiquants, quel que soit leur niveau.

Mais ce qui nuit à l’expression personnelle en Aïkido, c’est la sanction régulière de ceux qui s’expriment librement. 

Par conséquent, une croyance s’est instaurée : « Mieux vaut ne pas s’exprimer plutôt que de sortir quelque chose d’imparfait ».

Et c’est ainsi que ceux qui osent s’exprimer sont réprimandés par ceux qui ne produisent rien, mais dont la critique acerbe – et souvent anonyme – sort avec une fluidité déconcertante.

Et c’est bien dommage, parce que notre discipline n’est pas parfaite… elle est vivante !

C’est pourquoi, la diversité des opinions et des expressions qui la composent est un terreau fertile qui lui permettrait de se nourrir et de grandir !

Car un Aïkido qui vit avec son époque encourage plutôt qu’il ne se moque.


Conclusion

S’affirmer, ce n’est pas devenir sûr de soi du jour au lendemain. C’est accepter de douter tout en avançant. C’est oser dire ce que l’on vit. C’est reconnaître que chacun a sa propre manière d’habiter la pratique.

Que ce soit en se battant contre ses démons intérieurs, en osant dire que certains jours, on ne comprend rien, ou en publiant un mot personnel sur une discipline encore trop codifiée… l’Aïkido nous invite à ne plus nous excuser d’exister.

Et ça, c’est peut-être la plus belle des victoires.

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